Il ne faut pas se fier aux apparences. Ainsi, si on vous parle d'un nouveau groupe baptisé Huis, n'allez pas déduire de la sonorité hispanique du mot que vous avez affaire à un groupe sud-américain. Située beaucoup plus au Nord, la formation est en fait originaire de Québec et son nom a une signification on ne peut plus francophone : Huis comme "porte" (d'entrée, certainement).
Constitué autour du noyau Pascal Lapierre (claviers) et Michel Joncas (basse), le combo nous sert un copieux album (plus de 70 minutes) d'une musique fortement inspirée par les ténors du néo-progressif (Marillion, IQ, Arena) patinée par l'utilisation de claviers vintage comme l'orgue Hammond ou le mellotron. Les deux hommes à l'origine de la création de Huis signent d'ailleurs à eux seuls la quasi-totalité des titres, donnant au disque une dualité qu'on sera libre, selon l'humeur, d'apprécier ou de regretter selon qu'on y trouve une complémentarité bienvenue ou une opposition trop marquée. En effet, Michel Joncas compose des titres souvent plus musclés et ramassés autour de quelques thèmes musicaux quand Pascal Lapierre s'adonne à des musiques plus aventureuses et contrastées.
Ainsi au crédit du premier compte-t-on 'Beyond The Amstel' (où le rythme autour des 3 minutes a un faux-air d'Apocalypse In 9/8' de Genesis), 'The Last Journey', 'Write Your Name' ou 'Salvation', des titres plutôt péchus souvent dominés par la guitare de Michel St-Père, tirant vers le hard rock et le métal et rappelant à notre bon souvenir des formations comme Kamelot, Epica ou le Machiavel des années 90. Des titres plutôt bien servis par l'interprétation solide dans tous les sens du terme de Sylvain Descôteaux dont la voix assurée et le coffre puissant conviennent particulièrement bien à ce type de musique
Des atouts qui peuvent devenir un handicap sur des mélodies qui se nuancent plus dès lors que Pascal Lapierre y met sa patte. L'aspect tourmenté que prennent 'Lights And Bridges', 'Little Anne', 'If By Morning' ou 'Garden Of Dust' nécessite une fragilité qui s'accommode mal du timbre trop affirmé du chanteur qui par ailleurs a parfois tendance à surjouer légèrement dans le pathos. Un peu à la façon d'un Steve Hogarth chez Marillion auquel ces titres font immédiatement penser. C'est finalement les deux instrumentaux composés à quatre mains, 'Oude Kerk' 1 & 2, qui sont les plus réussis, mariant intelligemment vigueur et fluidité sur les sentiers d'un prog très balisé mais convaincant.
"Despite Guardian Angel" possède bien des qualités pour séduire l'amateur de progressif : une musique musclée, riche et variée, et par ailleurs très bien interprétée. Mais il manque à cette belle efficacité une once de sensibilité pour que ce bon album emporte complètement l'adhésion de l'auditeur, risquant de laisser les plus exigeants ... sur le pas de la porte.