Depuis ses débuts, le post-rock n'a comme seule mission de créer et d'explorer de nouveaux paysages sonores, de construire des édifices mélodiques majestueux et de peupler ces territoires de mille émotions ambiguës et sublimes.
Mais avec tous ces horizons nouveaux à découvrir, nombreuses formations se sont engouffrées dans la brèche. On ne compte plus aujourd'hui les clones de Explosions In The Sky, Mogwai ou Mono, à tel point qu'on en arrive à se demander s'il est encore possible d'innover en post-rock en 2013.
Si bien des groupes s'ouvrent aux penchants les plus extrêmes de la musique pour se révolutionner, les polonais de Tides From Nebula se sont tournés vers leurs influences electro avec ce nouvel album intitulé "Eternal Movement". Arborant une pochette mi-spatiale et profonde, mi-colorée et géométrique, l'opus annonce le ton. On entendra par electro ici une utilisation plus en avant des synthés, et non pas l'usage de samples ou de bruitages comme le font Maybeshewill ou encore les français de Lost In Kiev.
On retrouve sur cet album les grands traits de la grammaire post-rock à commencer par l'usage de mélodies joyeuses et positives ('Satori') ou alors porteuses d'une douce mélancolie ('Emptiness of Yours and Mine'). On ne peut qu'être transporté par la fragilité et l'émotion véhiculées par ces plans ; bien qu'assez communs dans le style, l'effet est immédiat.
La maitrise du ressenti passe aussi par les variations d'intensité dans la musique. Les montées en puissance, véritables ascenseurs émotionnels, sont savamment maitrisés ('Let It Out, Let It Flow, Let It Fly') même s'ils manquent parfois d'amplitude. Et on pointe là le problème principal de "Eternal Movement", ce manque d'intensité. L'architecture des morceaux est très cohérente, mais on aurait apprécié quelques pics vraiment plus massifs. On sent qu'un morceau comme 'Only With Presence' ne demande qu'à exploser dans un déluge sonore, et celui-ci n'arrive malheureusement jamais.
Mais Tides From Nebula n'a donc pas choisi de se démarquer par sa manière de coller aux codes du post-rock mais plutôt grâce à son utilisation judicieuse de claviers et de plans synth-pop. Protéïformes, les synthés prennent des allures progressives sur 'Laughter of Gods' avec un son pouvant rappeler Genesis, Toto et les formations de cette époque. 'Now Run' nous régale de nappes dignes d'un Tangerine Dream, véritable substrat sonore au reste des mélodies. Sur 'Hollow Lights', les polonais tentent même une incartade electro-trance dès l'introduction. Le synthé se présente ici véritablement comme un accessoire supplémentaire dans l'expérimentation, et démarque beaucoup la musique du groupe. Jamais envahissant, jamais aux dépends de l'émotion, il sait trouver sa place, soutenir le coeur du morceau (plutôt porté par les guitares).
Avec ce troisième album, Tides From Nebula construit son identité propre, s'appropriant les caractères de la scène post-rock, les manipulant et les adaptant à ses envies. Le groupe maitrise l'émotivité de sa musique et parvient à la véhiculer sous des formes tout à fait inattendues.