Si vous pensez, à raison d'ailleurs, que Karma To Burn n'a jamais rien enfanté de mieux que ses deux premiers jets, alors nous ne saurions trop vous conseiller de jeter une oreille (au moins) sur "And Water Flows", galop d'essai de Six Month Of Sun, power-trio genevois qui s'est déjà taillé une solide réputation sur scène, territoire qu'il a partagé aussi bien avec Rorcal que Red Fang, Fu Manchu ou Karma To Burn justement et rampe de lancement évidente pour un Stoner Rock velu qui s'accommode sans peine de l'absence de chant finalement peu remarquée. En s'effaçant derrière leurs trois instruments (guitare, basse, batterie), les gars en disent plus long sur leur art que n'importe quel discours.
Direct, intense, granitique, sont ainsi quelques adjectifs que sa découverte évoque, concentré de matière brute et nerveuse qui claque, va directement à l'essentiel. On imagine aisément les trois musiciens débarquer sur scène non sans décontraction, brancher le matos avant de balancer la purée à la face d'un public déjà en transe. L'album est à cette image, (trop petite) demi heure qui accroche les cages à miel avec sa grosse patte trempée dans le cambouis.
En quatre minutes, celles que dure l'opener 'Electric Bones', c'est déjà plié, claque dans la gueule instantanée. Bref, c'est (presque) la gaule des grands heures de Karma To Burn, quand les Ricains vidangeaient leur "Wild Wonderful Purgatory", il y presque quinze ans (!). On croise chez les Suisses cette même force trapue et cette écriture extrêmement dynamique, qui confèrent à ces compos des allures de cartouches lourdes comme une enclume, alliant puissance survoltée et rapidité plombée.
Avec un sens de la synthèse admirable, le trio résume tout en l'espace de trois ou quatre minutes, jamais davantage, voire même moins encore ('Beared Thunder', 'Mountain Drop'). Corollaire de ce schéma toujours resserré, la musique forgée par Six Month Of Sun gronde d'une tension rentrée constamment au bord de l'explosion, d'une rupture qui ne survient jamais.
Du coup, loin d'être les saillies linéaires attendues, ces titres, gonflés d'un suc grumeleux, galopent sur des terres rocailleuses aux reliefs accidentés. Un morceau tel que 'Desert Whispers' témoigne notamment de cette qualité. Rythmique du feu dieu et guitare épaisse érigent un édifice minéral dont la pesanteur couve des geysers de beauté qui éclate lors d'une accélération finale jubilatoire.
Souvent prisonnier d'une chape de plomb ('El Barbathor'), "And Water Flows" brille de nuances insoupçonnées que l'on ne débusque qu'une fois son intimité déflorée. Ce faisant, il permet à ses géniteurs de faire une entrée remarquée au sein du landerneau Stoner.