Nonobstant la sympathie qu'il est permis - à raison - de nourrir pour Jon Schaffer, capitaine au long cours souvent inspiré, il nous faut pourtant bien admettre que l'âge d'or tant artistique que commercial d'Iced Earth paraît loin aujourd'hui, apogée incontestablement atteinte avec "Something Wicked This Way Comes" en 1998. Malgré des albums toujours solides par la suite, le groupe n'est jamais vraiment parvenu à atteindre l'étage du dessus. Le recrutement - contestable - du bouche-trou de luxe Tim "Ripper" Owens qui a eu la lourde tâche de succéder à Matthew Barlow et un style verrouillé depuis longtemps expliquent notamment cette (relative) érosion de son succès.
Le retour, trop éphémère, le temps du seul "The Crucible Of Man", de celui qui restera La voix du groupe, n'y a rien fait. Et encore moins l'embauche du canadien Stu Block (Into Eternity), clone néanmoins convaincant de son glorieux et attachant devancier qui nous a pourtant fait regretter que Schaffer n'ait pas décidé de changer carrément de type de chant, comme avait si bien su le faire Deep Purple en 1973 par exemple. Résultat, "Dystopia", premier opus avec sa nouvelle recrue derrière le micro, bien que tavelé de teintes plus sombres qu'à l'accoutumée (depuis longtemps du moins), est apparu presque quelconque, incapable de renouveler une signature très tôt fixée. Si le "Live In Ancient Kourion" a démontré que Block mérite mieux que cette image d'ersatz qu'on a lui collé, reconnaissons qu'il serait exagéré de prétendre que nous attendions cette onzième offrande avec la même excitation qu'il y a quinze ans.
Or "Plagues Of Babylon" tient plutôt de la bonne surprise. Non pas qu'il soit exempt de défauts, loin s'en faut mais il arbore suffisamment de qualités pour davantage emporter l'adhésion que son banal prédécesseur déjà presque oublié. Le charismatique guitariste reste certes fidèle à une écriture dont il ne se départira sans doute jamais mais elle est ici à l'origine de grands moments de bravoure, que concentre surtout la première partie du menu, une sorte de mini-concept basé sur une invasion de zombie, thème horrifique dans la pure tradition d'Iced Earth.
De la puissante ouverture éponyme longue de près de 8 minutes sombres et pesantes au magnifique 'The End ?', pièce épique traversée de multiples passages et ambiances, cette moitié forme un bloc séduisant qui permet aux Américains de se montrer particulièrement agressifs tandis que le chanteur confirme qu'il a cette fois-ci trouvé sa place au sein de la formation, quand bien même Barlow ne sera jamais vraiment remplacé.
Las, entre une outro dispensable, deux reprises dont une, 'Spirit Of The Times', issue du propre répertoire de Schaffer (de Sons Of Liberty, son side-project) et une ballade interminable ('If I Could See You'), le reste peine à passer pour autre chose que du remplissage où se noient quelques invités pourtant prestigieux tels que Russell Allen (Symphony X) ou Hansi Kürsch (Blind Guardian) ,ancien comparse du maître des lieux dans Demons And Wizards dont la présence était déjà reconnaissable sur certains titres émaillant le début de l'album.
De fait, malgré d'autres morceaux solidement charpentés (le grandiose 'Cthulu', le rampant 'Parasite') bien qu'éprouvé ('Peacemaker'), l'intensité baisse d'un cran mais ne suffit heureusement pas à grever ce 'Plagues Of Babylon' de bonne tenue, dont l'actif l'emporte sur le passif. Ce faisant et bien que déséquilibré, celui-ci nous dévoile un Iced Earth solide et confiant comme il ne l'était plus depuis longtemps...