Le riff, encore le riff, toujours le riff. Granuleux, froid, tranchant, scalpel qui racle, laboure, creuse de profonds sillons dans l'esprit. Telle est l'image première que dessine l'écoute de "Loyndom", album dépouillé qui a la simplicité de ses accords dénués d'effets. Que celui-ci soit l'oeuvre d'un guitariste ne surprend donc pas.
Ancien membre historique de Vreid, dont on rappelle qu'il est plus ou moins né des cendres du regretté Windir, Ese a fondé Slegest peu après son départ de ce groupe avec lequel il a gravé quatre offrandes. Affirmer que nous attendions avec une impatience démesurée son galop d'essai en solitaire serait très exagéré, son ancien port d'attache ne nous ayant jamais vraiment convaincu. C'est donc davantage avec curiosité qu'avec un réel intérêt que nous nous sommes plongés dans son immersion.
Et là, c'est la gaule des grands jours. Comment le Norvégien a-t-il pu accoucher d'une telle insolente réussite, lui qui jusque là n'était jamais parvenu à nous surprendre ? Peu importe en fait, l'essentiel résidant dans ce menu au format resserré dont la (trop) courte durée - à peine 35 minutes au garrot - ne parvient même pas à tempérer notre enthousiasme.
Cette bonne surprise provient d'une part de la nature même de ce Black Metal qui ne aucun lien avec celui que le guitariste forgeait avec Vreid qui souffrait d'un fâcheux déficit en froideur. Glaciale, la musique de Slegest l'est justement, sans toutefois oublier d'être mélodique, témoins ces lignes belles comme un chat qui dort qui colorent 'The Path Of No Return' par exemple.
Son épure minérale et le fait d'être l'oeuvre d'un seul homme se chargeant de tous les instruments, auraient pu déterminer une approche primitive du genre voire une expression à la Darkthrone dernière période. "Loyndom" n'exploite pourtant aucune de ces deux voies, quand bien même il ne serait pas absurde de le rapprocher des récents efforts de Fenriz et Nocturno Culto, avec lequel il partage ces traits, ce son qui claque ('I Slike Stunder'), ces lignes qui donnent envie de taper du pied ('Logna Sin Fiende') mais non les racines NWOBHM ou Thrash.
Aux saillies rapides, encore qu'un titre tel que 'Past Burden Strenght' se montre plutôt véloce, Ese préfère les tempos reptiliens qui l'entraînent parfois et assez curieusement aux confins du Doom, comme sur 'Ho Som Hauster Aleine'. Aux vocalises haut-perchées, l'homme préfère le registre rugueux, frotté avec du papier de verre.
Propulsé par ces riffs aussi rampants qu'obsédants qui le vrille d'une manière venimeuse ('Faceless Queen'), l'album enchaîne huit titres aux allures d'hymnes, tous plus imparables les uns que les autres. Très vite, ils vous ferrent pour ne plus vous lâcher et vous attirent au fond d'une forêt figée par une nuit hivernale. Nerveux bien que cisaillés de touches mélodiques, il y a en eux quelque chose d'insidieux tel un venin injecté dans les veines. Pour reprendre une formule consacrée, ce coup d'essai est un coup de maître, simple et efficace, froid et entêtant.