Ce qu'il y a de chouette avec un groupe portant le nom de Doomriders, c'est qu'on sait déjà à l'avance de quel breuvage sera rempli le flacon. Lourd, velu, crasseux et sentant sous les bras sont les attributs qui viennent naturellement à l'esprit. A raison. Nous pourrions en rajouter un autre : direct. Car le combo n'est pas de ceux à se prendre les pieds dans d'interminables développements. En cela, il n'est pas américain pour rien, préférant les crachats de bûcheron aux fumettes psyché. Ajoutez une louche grumeleuse de hardcore énervé pour le chant de Nate Newton (ex The Ocean) et vous aurez alors une idée plutôt juste de ce que ce Stoner brutal a sous le capot.
Après quatre ans d'abstinence discographique seulement rompus par un maigre split partagé avec Sweet Cobra le voyant se contenter de reprendre un simple titre de Devo, le quatuor est enfin de retour. Contre toute attente, "Grand Blood" tient de la (très) bonne surprise, surpassant de la tête et des épaules son devancier, un "Darkness Comes Alive" certes solide mais trop éclaté en courtes saillies (17 au total !).
Doomriders a appris à lever (un peu) le pied et à travailler ses compos, cette fois-ci plus élaborées qu'à l'accoutumée. Comprendre parfois un peu plus longues. Plus variées surtout, alternant les rapides giclées ('Mankind', 'Black Taxes') avec des pistes plus trapues. Ce sont bien entendu vers ces dernières que va notre préférence.
Englué dans une épaisse plaque de mazout, 'Death in Heat' déroule ainsi un tempo robuste ultra plombé, renvoyant le gentil Stoner dans le bac à sable de la maternelle. Propulsé par des rouleaux de batterie titanesque, le titre emporte tout sur son passage. Autre enclume, le terminal 'Father Midnight' se voit pourfendu dans sa seconde partie par un passage instrumental du feu de dieu où les grattes miaulent comme des chattes en chaleur. Dans un autre registre, 'Gone To Hell' étonne autant qu'il séduit, sorte de tube aux lignes vocales très mélodiques néanmoins toujours polluées par cette grosse patte de mammouth et une fin de parcours plus rugueuse qui a pour effet de balayer la sucrerie attendue.
Proche du Allhelluja période Jacob Bredahl, "Grand Blood" est un album couillu, débordant de testostérone, sans temps morts ni prétention et qui s'enfile comme une bonne mousse au fond d'un rade enfumé de l'Amérique profonde. Ca sent le cambouis et la sueur, c'est carré et tendu comme le foc d'un navire mais possède en sus le côté roublard de musiciens aguerris. Depuis "Darkness Comes Alive", ceux-ci ont fait de réjouissants progrès, injectant à leur Death Rock terreux du Valium riche en plomb. Ce faisant, ils accouchent de leur meilleure cartouche à ce jour.