Un an après The Missing Piece, qui avait annoncé l’orientation future du groupe avec des chansons d’apparence plus abordable et d‘obédience plus rock, à l’exception d’un morceau épique comme jadis, ‘’Memories of old days’’, Gentle Giant retourne en studio pour accoucher de Giant for a day, qui sera décrié par beaucoup à sa sortie et qui est toujours considéré dans les milieux prog comme le plus mauvais album du monde.
En effet, plus de longs morceaux (la durée moyenne des chansons se situe autour de trois minutes), plus beaucoup de dissonance comme naguère, plus d’instruments à vent et la belle voix de Kerry Minnear semble s’être dissoute dans les chœurs soutenant celle de Derek Shulman, dont l'emprise sonore est plutôt ''despotique'' (Aymeric Leroy). Mettons les points sur les i, Giant for a day n'appartient pas au rock progressif.
Bien que pop rock, l’album alterne des ballades (‘’Thank You‘’, ‘’It’s Only Goodbye‘’, ‘’No stranger‘’), des chansons énergiques (‘’Giant for a day‘’, ‘’Rock climber‘’) , un morceau instrumental (‘’Spooky boogie‘’) et un morceau inclassable proche du reggae (’’No strangers‘’).
Dès l’ouverture de l’album, Gentle Giant anticipe les critiques qui l’accusaient naguère d’avoir vendu son âme au diable Commercial. On peut identifier quelques références à d'anciennes chansons, même si ces dernières sont très limitées en temps. Dès la première piste sont évoquées certaines chansons comme ‘’Knots’’ ou ‘’On Reflection‘’, où le rôle prépondérant des voix servait de fil d’Ariane sonore. Cependant, la suite de la chanson est trop enfermée dans un carcan pop empêchant toute progression dramatique et qui a pour conséquence l'essoufflement. Heureusement, la chanson ’’Thank you‘’, proche d’un folk avec son introduction progressive, rappelant ‘’Proclamation‘’, arrive rapidement et permet à l’album de se relancer après ce faux départ.
L’instrumental ’’Spooky Boogie’’ retrouve la dissonance d’un ’’Acquiring the taste’’ grâce à l’apport de Kerry Minnear, malheureusement vocalement en retrait sur cet album. C'est l'une des réussites de cet album, une chanson parfaite pour bande sonore d'Halloween. Un autre morceau comme ’’Friends’’ qui sera une première et une dernière occasion pour le fringant batteur gallois John Weathers d'officier au titre de chanteur, est une ballade acoustique, dont le ton peut faire penser à ‘’Schooldays‘’ de Three Friends (sans la fin pessimiste évoquée par le morceau ’’Three Friends’’) . Néanmoins, la chanson aurait plutôt mérité d’ouvrir l’album. Gentle Giant s'était déjà essayé au reggae sur Interview, ''No strangers'' peut être considéré comme une nouvelle tentative, bien que le tempo de la chanson nous invite ailleurs.
Les autres titres partagent une énergie rock, plus frontale, comme si Gentle Giant était conscient de jouer sa survie. A l’exemple de ce qui aurait pu être un One Hit Wonder ’’Giant for a day‘’, qui a même eu droit à un clip, tourné à des fins commerciales, morceau à la hargne quasi punk et à la ligne de guitare très agressive (plagié par Moon Martin sur son tube ’’Bad News‘’, comme quoi un échec peut rapporter gros à celui qui sait se saisir de ses fruits dans l'indifférence).
Une autre chanson énergique comme la dernière piste ’’Rock Climber‘’, dont les paroles sont semblables à la froide ‘’Ladies of the road’’ de King Crimson, n’était pas le meilleur choix pour clore cet album et possède des points communs avec un autre morceau mitigé de King Crimson, ‘’Happy Family‘’, toutes deux possédant une très bonne introduction au piano (électrique sur Lizard), mais étant desservi par son chant.
Le sommet de l’album est atteint au-delà du rock avec ’’It’s Only Goodbye’’ dans laquelle la voix de Derek Shulman fait preuve d’une palette d’émotion plus large, soutenue par la guitare du fidèle Gary Green qui s’autorise même un petit solo de guitare. Chanson romantique certes, mais qui s'écoute également en lettre d'adieu du groupe à ses fans.
Giant For A Day, à l’exception de quelques pistes maladroites, n’est pas le mauvais album que beaucoup ont voulu voir. Certes, Gentle Giant a abandonné pour toujours les formats classiques et progressifs pour un son direct parfois proche de l’urgence, ce que l’on retrouvera accentué sur Civilian, comme si le groupe avait été conscient de sa fin. On peut également penser que cette urgence nous présente seulement le squelette des chansons et que celles-ci manquent un peu de chair.
Mais ne boudons pas notre plaisir, c’est au final un album pop rock de grande qualité, mais qu’il ne faudrait pas conseiller aux néophytes, qui devraient commencer par une écoute chronologique de la discographie complète (à valoir sur n'importe quel groupe).