Les étiquettes, c'est ennuyeux. Ca gratte et en plus, alors que c'est censé vous individualiser, ça ne fait au contraire que vous enfermer dans une case dont vous restez prisonniers ! The Atlas Moth a écopé de l'étiquette "sludge doom US". Bien. Sauf que les Américains sont aussi à l'étroit dans ce créneau bien embouteillé que Michael Jordan dans une Fiat 500 !
Certes, le collectif aligne comme des pinces à linge sur un fil la plupart des invariants propres au genre (vocaux vindicatifs décapés avec du Destop, riffs pachydermiques qui dressent une hampe dure et tendue, tempo coulé dans une flaque de mazout...) mais il sait surtout dépasser ce style, le transcender. Ce qu'il réussit en le faisant copuler avec des ingrédients empruntés à d'autres. Bref, The Atlas Moth ne reste jamais inféodé aux Tables de la loi, il pense par lui-même. Il est libre.
Démonstration avec sa première gorgée de souffre, "A Glorified Piece Of Blue Sky". Dès le titre d'ouverture que l'on prend tout d'abord pour un instrumental, on comprend que l'on n'a pas ici à faire à de simples suiveurs. Bruitiste, ambient, 'A Night In Venus' Arms' prend peu à peu forme, se déploie avec des guitares suintant la mélancolie par toutes les cordes et un chant aux tessitures variées.
Suit le morceau éponyme qui lui aussi sait changer en cours de route de direction. Après une première partie très sludge, il se pare ensuite de couleurs plus post rock (à l'instar aussi du décharné 'Jump Room To Orion'). 'Grey Wolves' est propulsé par un groove quasi hypnotique, tandis que le fabuleux 'Our Sun, Our Saviour', cosmique à souhait, ouvre les cuisses vers une intimité franchement psychédélique, cependant que ses riffs se voilent d'une pellicule atmosphérique bien que goudronneuse.
Chaque titre secrète des richesses. Loin du monolithisme souvent de mise dans le sludge doom (ce n'est pas une critique), ils savent combiner divers éléments, diverses couches qu'ils empilent pour former un tout cohérent et personnel. Ainsi, ces Ricains n'hésitent pas à tutoyer le pur heavy metal, comme le démontrent les harmonies émaillant le tellurique 'One Amongst The Wheat Fields', dont l'épilogue est englué dans une épaisse couche de désespoir.
Le groupe accède à l'orgasme lors de la pièce terminale longue de dix minutes, '... Leads To A Lifetime On Mercury', qui en synthétise toutes les facettes : riffs ruisselants de tristesse, chant qui explose son mal-être ainsi que cette façon de mélanger post rock, doom, heavy et ambient pour son final, avec un brio rare. Avec une bonne dose de lubrifiant aussi.
Avec ce galop d'essai, The Atlas Moth prouve qu'il a du potentiel, des idées et de la réussite ce qui lui permet d'accoucher d'un album annonciateur de plus grandes choses encore. Une bonne découverte en définitive, bien supérieure à ce que l'on aurait pu croire de prime abord. Ah, ces étiquettes....