S'il est permis d'être agacé par cette tendance chez beaucoup de groupes contemporains à regarder dans le rétroviseur et à piocher chez les anciens pour nourrir leurs propres créations, il est aussi permis de prendre plaisir à cette démarche nostalgique, dès lors que l'inspiration, la verve ou tout bêtement le talent l'accompagnent. C'est le cas avec Disagony, trio suisse qui enfante avec "Venom Dish" une rondelle séminale bourrée d'énergie, témoignant si besoin en était encore du dynamisme foisonnant de la scène helvète.
Alors que certains puisent dans les seventies, le combo lui semble être resté bloqué dans les années 90 et ce Rock Metal nommé Grunge conjugué au féminin, celui de Hole et autre L7. Le chant de Lynn Maring, tour à tour déglingué ou teinté d'amertume, puissant ou intime, est bien entendu pour beaucoup dans cette évidente filiation. Mais pas seulement.
Sa nature de power-trio détermine également une approche très directe, sans fioritures, renouant en cela avec l'urgence crasseuse de ses modèles avec lesquels Disagony partage enfin cet amour pour les parpaings sonores solidement enfoncés dans la terre. De fait, "Venom Dish" est tout autant bâti sur ces guitares survoltées comme des dynamos fiévreuses ('Stop Rewind') et une rythmique explosive que sur les lignes vocales de la jeune femme, quand bien même celle-ci magnétise (forcément) l'espace.
Tendu et ramassé, court et nerveux, le menu de ce premier album est une collection de grenades dégoupillées en plein vol laissant de profondes meurtrissures dans la mémoire. Il faut déjà absolument citer 'Forever Fool', à la fois le titre le plus long du lot et le plus nuancé surtout (ceci expliquant sans doute cela), soit plus de 6 minutes d'un Rock à la lente progression, théâtre d'une belle performance de la chanteuse.
Si l'on croise de nouveau ce tempo presque léthargique le temps de 'Spirit Mechanism' ou 'Insobriety', bons morceaux au demeurant, les lourdes ('Unburied From Sand') ou enlevées ('Tender Revolver') cartouches ont plutôt la préférence du groupe qui enquille les décharges électriques souvent inspirées à l'image de 'Gender Identity Disorder' ou "No Gold But Your Eyes', qu'émaillent des riffs vicieux, parfois moins, telles que 'Meatball' ou ce 'Wild Generation Y' au refrain énervant et à la conclusion trop abrupte.
Mais il y a toujours le chant de Lynn Maring qui de toute façon emporte tout, gomme la moindre faiblesse et balaie l'impression d'uniformité que dégage ce galop d'essai néanmoins des plus prometteurs dont la pochette aussi froide que surprenante, illustrée d'une femme nue dans les rayons d'un supermarché, résume assez bien l'esprit. Une bonne découverte.