Sorti de nulle part voilà que nous recevons à la rédaction le premier album physique – les précédents sont disponibles en téléchargement sur son site - du soliste Philippe Luttun "Ring Down The Curtain" daté de 2011. Tout d’abord il est à signaler que les craintes qui pourraient apparaître à l’annonce d’un projet réalisé seul peuvent être levées immédiatement : cet album est pratiquement exempt de défauts… Et de loin !
Servies par une production impeccable, les compositions de Philippe Luttun se complaisent à virevolter entre les riffs ravageurs des guitares, les nombreux breaks – lorgnant épisodiqument vers le jazz-rock (‘Pictures Of Humanity’) - et les soli vintage des claviers. La batterie et la basse programmée – souvent le point faible de ces entreprises - n’affaiblissent en rien le haut niveau de l’ensemble.
Philippe Luttun se définit comme un pessimiste envers le futur et le devenir de notre planète. Pourtant sa musique se veut entrainante et le rock progressif qu’il développe est plutôt joyeux puisqu’à part les deux ballades mid-tempo ‘The Sweet Taste Of Her Lips’ et ‘A Land Above The Sky’, le reste de la galette laisse libre court aux rythmes soutenus.
Dream Theater est, avec évidence, l'influence principale de ce disque mais là où le démonstratif des métalleux peut en rebuter quelques un (dont votre serviteur) celui de Philippe Luttun sait se faire intelligent et calibré dans la durée afin de ne pas lasser. Nous avons aussi trouvé la classe du grand Phideaux dans ‘Far Beyond The Sea’ avec ce duo de voix féminin - la fabuleuse Pris K aussi en vedette sur le dernier album de Gambit - et masculin de Philippe ainsi que le développement générale de la composition attisant un certain plaisir addictif que l’on retrouvera tout au long de l'album.
Les chœurs sont régulièrement issus d’un assemblage de couches multiples de voix comme sur ‘I Have Seen The Earth Change’, titre dans lequel interviennent aussi quatre jeunes femmes déclamant leur vision du changement climatique de notre planète en autant de langues (Russe, Japonais, Taïwanais, Argentin). Les vocalises marquantes de Pris K illuminent la noirceur des paroles de Philippe dans un antagonisme judicieux.
Le point faible de ce disque et des précédentes livraisons de Philippe Luttun, est assurément sa voix monocorde manquant de puissance. C’est par obligation qu’il prend le micro (cf l’interview) et c’est aussi pour tenter de masquer cette faiblesse qu’il la traficote en usant d’effets divers. Nous lui conseillons vivement de s’attacher à améliorer ce détail avec la participation d’un acolyte dédié à ce poste s’il veut garder cette subtile association de voix.
Mis à part cette dernière remarque qui pourrait s'avérer rédhibitoire pour certains, "Ring Down The Curtain" se place immédiatement dans le top des réalisations progressives de ces dernières années et met en lumière le travail impressionnant de Philippe Luttun. Le premier trimestre 2014 va voir la parution de son successeur et nous allons surveiller de près cet événement, convaincu que l’homme va confirmer les belles promesses entrevues ici.