Si on ne sait finalement pas grand chose sur la genèse de ce montage européen germano-franco suédois, il n'en demeure pas moins qu'on attendait avec une impatience non feinte le fruit de la copulation (forcément) sauvage entre Earthship et Crown, étiquette sous laquelle est présenté Arcade Eyes, one-shot ou side-project durable, l'avenir nous le dira.
Sans faire dans le chauvinisme primaire, reconnaissons que le tardif recrutement de Stéphane Azam au chant, dont les pistes n'ont été agglomérées que durant l'été 2013, alors que la musique fut mise en boite au début de l'année précédente (!) par la paire fondatrice Jan Oberg (guitare)/André Klein( batterie), n'est étranger ni à cette attente ni à la valeur ajoutée de l'entreprise. D'abord repéré par l'entremise d'un EP massif ("The One"), Crown affole depuis quelques mois l'électro-encéphalogramme du Sludge/Doom Indus. L'implication d'un de ses deux membres à cette manière de super-groupe ajoute à ce dernier ce grain à la fois caverneux faisant plus souligner la lourdeur ultra Heavy sous le sceau de laquelle est placée Arcade Eyes.
Etonnamment (ou pas), ce galop d'essai ne souffre pas de sa réalisation émiettée et étalée dans le temps. Mieux, en dépit de sa (trop) courte durée (moins de 30 minutes au compteur) le rapprochant davantage d'un EP boosté au testostérone, l'album a quelque chose d'un bloc compact d'une titanesque densité. Les racines enfoncées dans un socle tendu et ramassé, ces huit titres grouillent de détails, empilant les modelés et les breaks rampants ("Waves Of Flesh").
La pesanteur cataclysmique et un sens accru de la mélodie se disputent l'hégémonie de ces concentrés de puissance souterraine, secousses sismiques se répandant à la surface d'un Sludge psychédélique dont la beauté n'est pas absente. Le chant discret de Jan Oberg, couplé à des nappes plus atmosphériques, comme l'illustre la squelettique et désespérée respiration "Embrace The Fire", laquelle clôt l'écoute sur une note enfin posée, confère à cet éponyme la lumière, certes blafarde parfois, sans laquelle il ne serait en effet qu'une dynamo à l'énergie sourde ("Into The Veil"), amas de riffs concassés faisant trembler les murs à l'image de "Soundtrack For Salvation".
Si le groupe ne rechigne pas à marteler un tempo presque accrocheur et Rock, comme le temps du très court "Iron Tongue", les rythmiques pachydermiques ont sa préférence, véritables rouleaux compresseurs ("Circles Of Black Shadows") que fissurent des guitares massives et dissonantes, colonnes vertébrales qui semblent provenir des profondeurs de la terre.
Galop d'essai plus que prometteur dont on a hâte de voir les effets sur scène, on ne peut toutefois que s'interroger sur la pérennité de la chose au vu de l'activité déjà chargée de ses membres...