Recueil posthume, Dead But Dreaming établit un double constat. Premièrement, Roman Saenko ne parviendra jamais totalement à remplacer Hate Forest, même par un Blood Of Kingu, cependant intéressant, né du sabordage de son aîné. Deuxièmement et surtout, les trois pistes inédites que cette compilation renferme démontrent que la horde ukrainienne avait encore beaucoup de choses à dire.
On pourrait en rajouter un troisième : Hate Forest est bien devenu, en dépit ou grâce à l'idéologie douteuse qu'il véhiculait, un nom culte qui fait vendre preuve en est les récentes rééditions de son back catalogue et les sorties diverses (split avec Legion Of Doom, "Temple Forest") dont "Dead But Dreaming" est (alors) le dernier rejeton... en attendant le prochain.
Le menu s'articule donc autour de sept titres dont quatre enregistrements live. Mais c'est surtout les trois inédits studio qui font augmenter sa valeur ajoutée. 'Wscieklose Ktora Nadchozi', brutal et intense, porte, bien qu'il s'agisse d'une reprise d'Arkona, la signature des Ukrainiens, à la fois épique et tendu comme une hampe turgescente et proche des saillies livrées par le champ du cygne "Sorrow". Plus lourd, 'Grief of the Universe' commence par une longue partie instrumentale granitique avant que le chant goudronneux ne surgisse des megalithes pour faire parler la poudre et abîmer le tout dans une crevasse profonde et rapide. Le morceau se conclût enfin d'une manière abrupte.
Toutefois, le titre le plus réussi du lot et bien que le plus surprenant (ceci expliquant sans doute cela) reste 'LCF', lequel déploie un black reptilien et implacable , presque death mid tempo écrasant à la Bolt Thrower en plus pesant encore. Les lignes vocales qui ne sont alors pas sans évoquer celles de Karl Willetts participent aussi de cette comparaison. Le break qui le coupe en deux est purement démentiel tandis que les riffs de Saenko, sales comme des Tampax usagés, raclent les chairs avec une science de la meurtrissure imparable.
Du coup la reprise live du 'Cenotaph' des Britannique, si elle pouvait étonner de prime abord, prend en fait tout son sens. Les maniaques de la prise de son claire et lisse jugeront forcément la seconde partie de "Dead But Dreaming" inaudible. Ce n'est pas faux. Pour autant, venant d'une entité telle que Hate Forest, cette bouillie cradingue se justifie car le black metal c'est aussi ça, une attitude punk et revendiquée.
Et ce témoignage du groupe sur scène, capturé en 2002 au Koloborot fest (bastion du NSBM) est suffisamment rare pour qu'on le tienne comme une trace précieuse. On s'agenouille devant un tel concentré de haine crue et intègre. En deux mots : black metal ! Les poils se dressent à l'écoute du terrifiant 'To Those Who Came Before Us', long de plus huit minutes. Hate Forest se vide d'une musique sincère qui vient des tripes. Sans aucune affèterie et garantie sans OGM.
Ce groupe avait vraiment réussi à renouer avec une forme de mal primitif et organique. Pourtant, au final, malgré le plaisir immense d'écouter ces pièces archéologiques, un goût amer s'invite dans la bouche. En effet, quel dommage que Hate Forest ait mis fin si tôt à ses jours, référentiel et modèle que tous les apprentis de l'art noir seraient bien inspirés de suivre...