Nombreux sont ceux à penser que rien ne ressemble plus à un disque de Dark Ambient qu'un autre disque de Dark Ambient. Sans doute, ceux-ci devraient-ils tenter la découverte de "Escape From The Mundane Self", ils comprendront alors leur erreur, du moins on l'espère tant le genre se pare d'infinies nuances pour qui fait l'effort de l'explorer religieusement.
Pourtant, d'une certaine manière, Taphephobia possède une forte dimension archétypale, projet d'un seul homme dont l'art a quelque chose d'un magma sonore froid et bourdonnant, sombre et fascinant à la fois, qui se ressent plus qu'il ne s'écoute véritablement. Seulement voilà, l'entité n'est justement pas tout à fait comme les autres car entre les mains d'un artiste qui développe un univers sensitif très personnel. Cet artiste, c'est le norvégien Ketil Soraker, qui a déjà écrit avec Northaunt ("The Ominous Silence") ou Mulm ("The End Of Greatness") de très belles pages du genre. Taphephobia est le réceptacle de sa vision vertigineuse d'une Dark Ambient aux confins du Drone.
Premier essai pour Cyclic Law, "Escape From The Mundane Self" est en fait son sixième opus sous cette bannière recluse, capturé entre août 2011 et mars 2013. Celui-ci est à l'image du remarquable visuel créé par Dehn Sora (Treha Sektori), plongée abyssale à la dimension fortement introspective, immersion glaciale mais grondant néanmoins d'une beauté sidérale qui semble provenir de très loin, d'un abîme crépusculaire. On touche d'ailleurs là une caractéristique de cet album écartelé tout du long par une ambivalence tenace, oeuvre à la fois aérienne et tellurique, intimiste et universelle, tour à tour désespérée ('Into The Night He Diseappears') ou délicatement émotionnelle ('White Chamber').
Guitare Drone, nappes électroniques, soundscapes, le Norvégien puise dans une vaste palette organique pour matérialiser ces ambiances toutes en contrastes et nuances. Il a recours également à de nombreuses pistes vocales, masculine et féminine, spectrales ou effrayantes, parfois échappées de films tels que "The Messenger" ou "la couleur du mensonge". De cette masse sonore naît une musique au pouvoir d'envoutement immense.
D'une sombre et froide fluidité, les différentes compositions de cet album paraissent s'étirer à l'infini, se dilater en une myriade de sons qui se répandent tel un ressac frissonnant, élévation d'une puissance aussi souterraine que stratosphérique. Enveloppant, "Escape From The Mundane Self" possède cette capacité rare d'avaler tout ce qui l'entoure, repoussant les frontières, les limites, tel l'univers dont on ne peut concevoir qu'il ait vraiment une fin.
Au final, Taphephobia ne témoigne pas uniquement que le Dark Ambient est un art pluriel, il en illustre toute la force visionnaire. Si ce terme n'était pas autant galvaudé, on oserait presque parler de chef-d'oeuvre...