Au milieu des années 80, trois amis néerlandais épris de musique s'adonnent à leur passion, prenant notamment pour modèles des groupes porteurs du renouveau progressif comme Marillion, IQ et Pendragon. Ces efforts ne laisseront pas de trace, mais en 2012, Ed van Haagen et Leo Koperdraat (l'histoire n'a pas retenu le nom du troisième compère) décident de franchir le pas en s'adjoignant les services du batteur américain Frank L. Urbaniak (recruté grâce à Facebook !) et d'enregistrer leur premier album.
Entre temps, il semble que leurs goûts musicaux aient quelque peu évolué. Car de rock progressif, il n'en est que très peu question sur "Strange Attractors".
Pourtant, certaines apparences pourraient être trompeuses. Comme cette idée d'avoir découpé le disque en deux faces, comme au temps du vinyle. La "face B" est ainsi entièrement consacrée à la suite 'A Life In Darkness' scindée en six morceaux. En fait de suite, ces six titres sont musicalement indépendants : pas de rappel de thème, présence de blanc entre chacun d'eux et difficile de dire s'ils racontent une même histoire (d'autant qu'il y a deux instrumentaux). Par ailleurs ils différent fort peu des quatre titres présents sur la "face A".
Alors certes, il ne s'agit pas non plus de pop songs "couplet-refrain-pont-couplet-refrain", même si certains titres n'en sont pas loin. Mais le groupe sait faire preuve d'imagination et il n'est pas rare que plusieurs mélodies cohabitent en l'espace de quelques minutes. Côté inspiration, Fractal Mirror donne dans le rock mid-tempo doux amer, sans esbroufe instrumentale, rappelant beaucoup R.E.M. et les derniers Bowie, avec parfois quelques touches des Kinks ou, plus surprenant, de Syd Barrett. Pas de solo décoiffant ou d'arpèges virtuoses, mais des strates mélodieuses souvent au service d'un chant grave et légèrement plaintif dont le style proche de celui de Michael Stipe contribue en grande part à la ressemblance avec R.E.M.
Tout l'album repose sur cette voix triste et la capacité du groupe à proposer des mélodies accrocheuses. D'aucuns pourront être agacés par certains parti-pris aux effets répétitifs (plages d'orgues envahissantes, présence fréquente de chœurs synthétiques, riffs lourds de guitare, chant monocorde). Cela n'empêche pas "Strange Attractors" d'installer une atmosphère très cohérente et de passer un agréable moment en sa compagnie.