Achetant aveuglement toutes les productions du label Cyclic Law, il arrive, parfois, qu'une (relative) déception soit au rendez-vous, écrasée par de monumentaux et puissants édifices. Le "Rockdrill" de Vortex fut de ces rares offrandes à ne pas parvenir à conjuguer énergie crépusculaire et atmosphères désincarnées. La participation à la compilation-anniversaire de l'entité canadienne en 2012 à travers le titre 'Prayer For The Iron Age', par ailleurs repris dans une version quelque peu différente ici, démontrait toutefois que nous avions peut-être trop hâtivement jugé ce projet allemand entre les mains d'un seul homme, Marcus S..
"Kali Yuga" vient aujourd'hui confirmer notre erreur de la plus belle des manières. Si les progrès consentis par Vortex sont indéniables, force est de reconnaître qu'il a trouvé dans la cosmogonie hindoue, base de ce concept-album, matière à laisser s'exprimer sa sève créatrice. Oeuvre ambitieuse, ce troisième opus est le fruit d'un long cheminement, inspiré par un voyage en Indes il y a quelques années et dont la réalisation s'est étalée entre 2009 et l'hiver 2012.
Ce thème commande la nature rituelle et chamanique de ces pistes au souffle mortifère ('Corruption'), périple aussi sombre qu'halluciné conçu par son auteur comme une métaphore d'un monde actuel en décrépitude, témoin ce 'techno Crisis', épicentre qui résonne de sons industriels glaçants.
Il impose également le recours à une palette sonore autant tribale que spirituelle. Batterie, cymbales, gong japonais confèrent à l'ensemble une dimension fortement percussive ('Confusion'), confinant à une forme de transe hypnotique, que rehaussent choeurs féminins, synthétiseurs, flûte et guitares Drone ('Kali Yuga Anthem') en un magma ténébreux et dissonant d'où jaillissent des moments d'une froide et effrayante beauté, à l'image de 'Dawn Of Iron Age' aux motifs stridents.
Scintillant de teintes orientales ('Gods Of The Desert', 'Kali Yuga Ritual'), l'opus étend peu à peu son emprise, plongée abyssale dans les méandres d'une civilisation en perdition, voyage introspectif qui culmine lors d'une dernière partie d'une noirceur paroxysmique, depuis ce 'Corruption' qui brûle d'une énergie vertigineuse jusqu'au terminal 'Kalki The Destroyer', pulsation mécanique où fusionnent le chant d'un peuple esclave avec un monde robotique assourdissant.
Progressivement, "Kali Yuga" se mut en une lente incantation industrielle, étrange rituel où une mythologie inquiétante se fond dans un creuset plus noir encore. Alors qu'on ne l'attendait pas à un si haut niveau d'inspiration, Vortex, qu'épaulent pour l'occasion de talentueux musiciens, gagne son passage vers des sphères supérieures.