Est-il encore besoin de présenter Geoff Downes, véritable couteau suisse des claviers, capable d'évoluer dans des groupes aussi divers que variés, assumant aussi bien son affection pour le rock progressif qu'une passion naturelle pour un côté popisant. Le résultat de ses implications se nomment Yes, Asia ou encore le projet Icon pour le versant progressif de la cause, mais aussi The Buggles ou encore une kyrielle de projets en solo sous son propre nom, auquel se retrouve quelquefois accolé le New Dance Orchestra, comme dans le cas de The Bridge, premier album enregistré en mode "binaural" et passé complètement inaperçu. L'aventure de cet orchestre électronique réduit à notre seul claviériste se poursuit aujourd'hui avec Electronica, pour lequel Geoff Downes s'est adjoint les services d'Anne-Marie Helder (Panic Room) au chant.
Album initialement enregistré en 2010 et distribué jusqu'alors par le biais du merchandising "yessien", Electronica est enfin publié de manière officielle en 2013 et présente une collection de douze chansons à l'instrumentation intégralement assurée par le biais des claviers de Geoff Downes. Nous sommes ici résolument dans un univers pop, la structure de chaque morceau étant basée sur des enchainements couplet/refrain très simplistes. Les mélodies s'avèrent la plupart du temps agréables, à l'exception peut-être de l'insignifiant Movin'On, et leur rendu par la grâce de la voix impeccable d'Anne-Marie Helder se révèle plutôt probant. Mais, alors que les ingrédients précédents, sans être exceptionnels, semblent tout de même proposer un plat plutôt appétissant, l'accompagnement instrumental censé les soutenir va porter un sale coup à la crédibilité de cette galette.
Sous couvert de musique électronique, Geoff Downes nous sert en effet une soupe médiocre pour laquelle il a convié le pire de ce que les claviers utilisés dans le rock ont pu proposer depuis les débuts de leur utilisation : direction les années 80 et les sonorités kitchissimes à la sauce Midi, à peine relevée de temps en temps par un piano électronique à la consonance là encore peu goûteuse. L'ensemble est plus qu'indigeste aux oreilles qui avaient évacué depuis longtemps cette période peu glorieuse de systématisation des instruments électroniques dans la pop, et "cerise" sur le gâteau, le claviériste qui a tout de même pris la suite de Wakeman père et fils au sein du glorieux Yes, nous ajoute ad nauseam des percussions elles aussi électroniques qui au choix évoqueront les musiques diffusées dans les grands magasins, ou encore les sons borborygmiques qui s'échappaient de nos téléviseurs il y a 30 ans quand, faute de moyens pour en acquérir le décodeur, les yeux se troublaient devant les images projetées par Canal Plus le 1er samedi du mois, tard le soir.
Résultat ? Une collection de titres superbement interprétés mais plombés par des arrangements "gagesques", rappelant au mieux quelques perles du Top 50 (impossible de ne pas entendre l'emprunt fait à Madonna-Into the Groove sur Remember the Day) mais aussi quelques bandes son de films de série B issus de la même période.
Au final, cet album mériterait une réinterprétation par un vrai groupe de rock, ou peut-être même une version acoustique piano/voix, qui mettrait un peu plus en valeur la performance vocale d'Anne-Marie Helder qui à elle seule évite à cet album de partir immédiatement aux oubliettes.