“The Dark Side of the Wall” ... diantre ! Déjà que l’album des Floyd ne baignait pas dans l’allégresse ... Les Italiens de R-Evolution Band ont pris le parti de revisiter le mythe du Mur. Un tribute de plus ? Certainement pas ! Vittorio Sabelli, leader du combo, a choisi de prendre le contre-pied du cover, en déstructurant les morceaux et en les reconstruisant à sa sauce, souvent jazzy (il est clarinettiste / saxophoniste), parfois tendance hard. Pari risqué s’il en est ...
Il est inévitablement difficile de rester objectif quand on parle d’un album-culte. Pourtant, “The Wall” n’est pas mon album préféré des Floyd. Basé sur une histoire extrêmement sombre, sur le concept de l’enfermement et de la folie, la musique est très différente des autres albums du Flamant, plus directe, pas du tout planante, agressive parfois, mais arrive à garder une unité qui épouse complètement la trame narrative.
L’examen de la set-list montre que les Italiens sont restés très proches, sur le papier, de la structure de l’œuvre : il manque deux morceaux (‘Goodbye Cruel World’ et ‘Stop’) et deux ont été ajoutés (‘Cold as Waltz’ et ‘Another Rock in the Wall’). Pour les autres, les auteurs se sont amusés à quelques jeux de mots sur les titres, un exercice assez mineur mais qui annonce une volonté de trancher avec le concept original.
Revenons donc sur le concept. R-Evolution a choisi d’éclater la trame narrative en donnant une lecture complètement différente de l’original. Pourquoi pas ? Encore faut-il que le résultat soit cohérent ... Une bonne partie de la désespérance et de la noirceur a été gommée (contrairement à ce qu’annonce le titre de l’album), la flûte ou un sax souvent aimable remplaçant les lignes vocales dans beaucoup de titres (‘Int the Flesh’, ‘Thin Ice’, ‘Another Brick in the Wall Pt.3’ ...). Si la plupart des pistes gardent la trame originale, certains titres se perdent dans des divagations free-jazz peu dignes d’intérêt (‘Another Brick in the Wall Pt.2’, ‘The Trial’) quand ce n’est pas dans l’atonalité abstraite (la partie centrale de ‘Young Lost’). De ci, de là, des éruptions de grunt (mal maîtrisé) se font entendre (‘The Thin Ice’, ‘Another Brick in the Wall Pt.2'), donnant un cachet hideux aux morceaux concernés. Plus anecdotiquement, faire chanter “Mother, do you think they’ll try to break my balls ?” par une voix féminine paraît pousser un peu loin l’art du décalage. Ainsi, le concassage proposé par cette nouvelle version a non seulement eu raison du concept initial, mais n’a accouché que d’un ensemble hétéroclite et illisible, là où le concept original était intelligemment verrouillé.
Que reste-t-il musicalement ? Cette nouvelle lecture n’offre que peu de passages accrocheurs, les morceaux symphoniques comme ‘We’ll Meet Again’, le début de ‘The Trial’, quoiqu’étant sans rapport avec les originaux, se laissent écouter. Pour le reste, nous avons plus affaire à une réinterprétation totalement atmosphérique de quelques effluves de l’album original, mais dans un esprit en contradiction avec celui-ci. Les puristes crieront à la trahison (à l’écoute de ‘Comfortably Numb’, escamoté, on peut leur donner raison), les tolérants souriront du côté provocateur qui consiste à détourner une œuvre phare, mais finalement cette version prend peu de risques : l’absence de cohérence ne donne pas un résultat particulièrement brillant, et l’exercice de style tourne court, peu intéressant que l’on soit amateur du Floyd ou gourmand de nouveauté.