La musique de Gustav Mahler, gravée dans la mémoires de tous les amateurs de cinéma grâce à son utilisation dans ''Mort à Venise'' de Luchino Visconti, est l'objet d'un hommage d'un groupe provenant de la patrie qui lui a permis une renaissance post mortem : l'Italie avec Sonata Islands.
Adapter la musique classique par le biais du rock progressif a eu des résultats plutôt positifs dans le passé. On peut penser à l'album ''Pictures at an exhibition'' d'Emerson Lake and Palmer. Ici, de rock progressif, il n'y aura point car nous avons affaire à un sextet de jazz, qui possède d'ailleurs son propre festival, existant depuis 1998. Son projet de base est d'apporter une touche moderne aux musiques orientées jazz ou classique.
''Sonata Island Meets Malher'' est plus qu'une simple rencontre, il s'agit d'une transmutation de la symphonie ''Das Lied von der Erde'' de Gustav Malher vers un jazz énergique, flirtant avec le free jazz. Le travail est plutôt fidèle à l'original, inspiré de poèmes chinois, à l'exception de la dernière piste 'Commiato' qui se présente comme une interprétation autour de Gustav Malher. C'est dans cette ultime piste (elle signifie adieu en italien) que l'on peut entendre une voix, celle de Tommaso Lonardi, lisant un poème de Giuseppe Calliari (lui-même inspiré de Mahler).
La symphonie moderne voit la domination d'un accordéon tout au long de la première piste 'Das trinklied', non en opposition, ni en dissonance mais en claire collaboration avec les cuivres et la contrebasse, dans la recherche d'une mélodie à l'émotion contrastée, le deuil du temps qui passe allié à la joie de vivre. Une symphonie moderne à la tonalité plutôt sombre comme le suggère le premier mouvement et la présence écrasante de chacun des instruments (trompette, accordéon, saxophone) et qui parfois ne peut éviter une cacophonie volontaire, comme dans 'Around Malher', qui pourra faire penser au King Crimson de 'Lizard'. L'ultime morceau, le temps d'un au revoir solennel, se révèle au contraire très pudique, très dépouillé, comme si la tragédie de la vie ne pouvait être évité et qu'il valait mieux confier ses regrets au vent.
Si les solistes maîtrisent leur argument, l'auditeur lambda pourra vite être étouffé par la musique et les cinq pistes dépassant les dix minutes donnant parfois la curieuse impression de répéter les mêmes thèmes ad nauseam (plusieurs écoutes seront nécessaires afin de dissiper ce malentendu). L'hommage rendu au musicien autrichien avec une utilisation assez originale de l'accordéon, instrument mal aimé par excellence, est intéressant mais à l'exception de la première piste assez courte, il s'avère assez difficile d'accès, ne comportant pas de pause, ou de transition (comme aurait pu l'être dans un autre registre un 'Jeremy Bender' sur ''Tarkus'' d'Emerson Lake and Palmer). Un amateur de jazz pourrait être transporté, un lecteur de Music Waves pourrait être rebuté.