S'il est parfois difficile, voire périlleux, de coller une étiquette musicale à un album, je ne prendrai pas beaucoup de risque à vous dire que "The Path Of Least Existence" peut être classé dans la catégorie "rock atmosphérique" tant ce disque utilise toutes les ficelles du genre. Premier album de Jet Black Sea, le groupe se résume à un duo constitué de Michel Simons et Adrian Jones. Ce dernier est loin d'être un inconnu puisqu'il s'agit du leader du groupe néerlandais Nine Stones Close, un groupe qui s'adonne lui aussi au progressif atmosphérique.
Il est toujours incertain de s'aventurer dans les landes dangereuses de ce style musical. Qui dit rock atmosphérique dit musique capable de créer des atmosphères. Pour y arriver, les titres sont souvent calmes, répétitifs, développant de lentes progressions itératives censées faire naître chez l'auditeur des sensations oniriques, lui évoquer des images et des sentiments par le simple pouvoir de suggestion des thème mystérieux et envoutants se lovant à chaque écoute plus profondément dans les strates de son cortex. Le risque étant de ne pas trouver le bon dosage et de ne rien générer d'autre que l'ennui.
Si l'on s'en réfère aux (excellentes) chroniques des albums de Nine Stones Close sur votre site favori, c'est un peu le reproche qui s'en dégage : bien faits mais trop répétitifs, pas suffisamment empathiques et au final, sympathiques mais pas convaincants. Ces tentatives étaient peut-être une maturation nécessaire pour que Adrian Jones délivre enfin l'album dont on le sentait capable, aidé d'un talentueux technicien capable de tirer de son ordinateur une musique réellement sensible.
Car "The Path Of Least Existence" évite tous les écueils et s'avère tout à la fois d'une grande pureté et d'une grande force. Le dosage dont je parlais plus haut est parfaitement réussi. Juste ce qu'il faut de répétitions pour ancrer un sentiment, une impression, et on passe à autre chose, en douceur, délicatement, dans le bon timing pour éviter de lasser. Juste ce qu'il faut d'audace expérimentale pour pimenter la musique mais saupoudrée avec modération pour ne pas déséquilibrer des titres gorgés de thèmes mélodieux. Une bonne balance entre progressions éthérées et jaillissements furieux évitant l'envie de piquer du nez comme celle de s'enfoncer des boules Quies dans les oreilles. Une alternance idéale entre guitares et claviers propice à satisfaire autant les adeptes de la six cordes que ceux des instruments à touches d'ivoire, même si, en l'occurence, il s'agit de sons echantillonnés.
Et des idées à la pelle, des chœurs funèbres de 'The Path Of Least Existence I' aux marimbas synthétiques entêtants de 'Worst Case Scenario', du trio mélancolique de 'Northern Exposure' à la guitare-mouette de 'The Jet Black Sea', de la boîte à rythmes détraquée de 'Outnumbered' à la guitare floydienne de 'The Law Of Diminishing Returns', des battements de cœurs de 'Cage Of Myself – Part I & II' aux chœurs funestes de 'The Path Of Least Existence II', bouclant parfaitement la boucle de ce bel album.
Dosant subtilement les mélodies graciles d'un piano délicat et d'une guitare aérienne et les effets sonores de tout poil, bulles, parasites, saturations, bourdonnements, échos, ... Jet Black Sea livre un album passionnant de bout en bout pour tout adepte d'une musique riche et impressionniste.