Orion est un groupe français formé en 1974 dans la région de Meaux. Bercés par la musique de King Crimson, Gentle Giant ou Caravan, les musiciens fondateurs sortiront un premier album en 1979 après avoir pas mal tourné et remporté le célèbre tremplin d'or du Golf Drouot en 1976. A l'époque où Ange ou Atoll occupe le devant de la scène progressive française, Orion a quelques difficultés à rencontrer son public et c'est en plein enregistrement de son deuxième album qu'en 1980 le groupe se sépare et met fin à sa carrière.
En 2011, Patrick Wyrembski et Janusz Tokarz, deux des fondateurs du groupe, récupèrent les bandes magnétiques enregistrées en 1980 et se lancent dans leur restauration, leur numérisation, puis les remixent et les réarrangent. C'est cet album, qu'ils auraient pu appeler Phoenix, qui sortira fin 2013 sous le nom de "Mémoires du temps". Les compositions datent de la fin des 70's et même un mixage du vingt et unième siècle ne pouvait leur donner une saveur moderne. C'est donc à une dégustation de musique millésimée que je vous invite maintenant car si le vieillissement peut apporter la plénitude aux vins, il en va rarement de même avec les oeuvres musicales.
Dès la première seconde du premier titre un chant tout en gouaille nous saute aux tympans, cette théâtralité outrancière n'est pas sans rappeler un certain Christian Décamps, mais avec un timbre plus rocailleux. La comparaison avec Ange ne s'arrête pas à l'expression vocale, sur les deux premières pistes même les soli de guitare ont le son de Brézovar et les rythmiques fleurent bon les 70's. Le troisième titre, chanté surement par le deuxième protagoniste avec une voix plus douce, se rapproche dans l'inspiration et la tonalité de "Musiciens - Magiciens", le premier album d'Atoll.
Si les cinq premières pistes alternent entre ses deux ressemblances, les trois suivantes ("Près de la nature", "Noiro Evil" et "Le rapiécé") instrumentales ou peu chantées, sont d'un registre plus aventureux avec des digressions psychédéliques, zeuhlienne ou jazz-rock. La seule ombre au tableau, que j'oserai qualifier de faute de goût, est l'avant dernier titre, "J'entends les filles", qui sonne très années 80 avec sa rythmique synthétique et son chant grave à la 'Depeche Mode'. Cette tentative de créer le tube de l'été ne débouche pas sur une composition détestable, elle est juste déplacée dans l'ambiance globale de l'album.
Ces "Mémoires du temps" portent bien leur nom puisqu'elles nous replongent dans une époque où le rock français cherchait son identité. Ceux qui ont connu ces heureux temps auront sans doute une écoute conciliante et nostalgique et seront heureux de la sortie de cette antique nouveauté. Pour les plus jeunes, fans de sons digitaux, cet album risque de leur paraître poussiéreux et digne du musée.