Trois albums du regretté Gary Windo sortent coup sur coup chez Gonzo Multimedia. Musicwaves en a déjà chroniqué deux. Voici donc le dernier 'Steam Radio Tapes', qui n'avait pu voir le jour en 1978 car considéré comme trop brumeux pour une époque qui se tournait vers le punk et la disco.
L'origine de 'Steam Radio Tapes' est une véritable rencontre entre un saxophoniste talentueux, réputé pour ses collaborations avec Robert Wyatt (il joue sur 'Alifie' sur 'Rock Bottom'), Centipede puis plus tard The Psychedelic Furs, et...Pink Floyd ! Après le succès de 'Wish you were here', le groupe de Nick Mason, épris de liberté artistique, s'était construit sur mesure son propre studio. Afin de préparer en amont le travail sonore pour le prochain opus 'Animals', le groupe avait choisi d'inviter des amis musiciens à venir tester le matériel tout fraîchement à disposition. C'est ainsi que Gary Windo arrive au Brittania Row avec une pléiade d'invités prestigieux dont entre autres Hugh Hopper, Robert Wyatt, Steve Hillage et Nick Mason en personne qui viendra se positionner derrière les fûts.
Saxophoniste talentueux oblige, Gary Windo file le son de son saxophone sur toutes les pistes. Il ne fait aucun doute que les interventions de son instrument sont majeures d'un point de vue technique et émotionnel. Sur 'Come into my garden', une piste qui pourrait nous rappeler King Crimson, chacun des instruments (guitare, basse, piano, batterie) se lance dans son solo respectif avant d'être repris par un saxophone métronome. La chanson est d'ailleurs parachevée par un grand solo de saxophone qui s'achève avec des notes de piano éthérées. L'album s'ouvre avec 'Ginkie' et le son d'un saxophone urbain qui tourne en boucle et se transforme petit à petit en voix humaine. Gary Windo est capable de distiller une énergie funk contagieuse sur 'Missy' avec son rythme funk soutenu par un magistral solo de guitare de Steve Hillage (malgré la longueur du morceau qui s'étire peut-être un peu trop) ou sur 'Stand fast', l'union entre une basse funk et les altérations d'un saxophone nous faisant savourer une alchimie éclatante. Sur 'Is this the time' chantée par Robert Wyatt et Madame Pam Windo, le funk laisse la place à un son plus groovy et à des paroles plus philosophiques qu'elles ne le paraissent ('This is the time/Of your time').
Car si l'album brille également par des ambiances un peu plus mélancoliques, sinon intimistes, c'est à travers les voix de ses interprètes que Gary Windo peint un grand ensemble loin d'être disparate. Sur 'Letting go', peut-être le sommet de l'album, la voix enchanteresse de Julie Tippett semble être portée par le vent, flottant dans l'espace. 'Sweetest Angel', débutant dans le vacarme, tend vers la félicité grâce à la voix chaude et presque voilée de son interprète, étendant une atmosphère blues voire folk sur tout le morceau.
L'album reprend également deux reprises de standards de jazz comme 'Red River valley' transformé en rock 'n' roll saloon (le final donne l'impression que le son du saxophone envahit notre boîte crânienne pour s'y répandre et faire office de cerveau) ou 'Night train' avec ces claviers psychédéliques et sa cacophonie finale, qui apportent une note fraîche à des thèmes classiques.
Plus qu'une curiosité rétrospective d'une époque, cet album accouché dans les sables mouvants de l'éternité nous donne un aperçu limité du talent malheureusement méconnu d'un artiste complet dont 'Steam Radio Tapes' aurait pu constituer son grand classique et peut-être la promesse non tenue d'une discographie qui se serait enrichie de nouveaux joyaux, hélas composés dans les limbes. Pour terminer sur une bonne note, Gary Windo était un artiste généreux, capable de s'entourer de grands musiciens, sans jamais les reléguer à l'arrière-plan. Ecouter cet album est un devoir de la part de tout amateur de musique.