Magma sonore grondant et introspectif où la notion de tout, de globalité, prend plus qu'ailleurs tout son sens, la Dark Ambient est peut-être le genre qui se prête le mieux à l'exercice, O combien exigeant, de l'album composé d'une seule et unique piste. Rien d'étonnant dès lors que certains de ses explorateurs solitaires se risquent à cette entreprise. Mais là où elle tient davantage du défi, de la démonstration stérile comme c'est parfois le cas, cette dilation sonore participe ici à une forme d'autarcie, conférant à l'oeuvre qu'elle préside, un hermétisme encore plus absolu. C'est dire.
Entité canadienne aussi culte que peu accessible (ceci expliquant sans doute cela) , Funerary Call fait ainsi de "The Mirror Reversed" un bloc unique de plus de 47 minutes, conçu comme le premier chapitre d'une série d'albums à la structure identique. Pour son baptême avec le label Cyclic Law dont on retrouve la signature tant formelle que visuelle, Frederic Arbour s'étant chargé du mastering cependant que l'artwork est le fruit du travail de Dehn Sora (Treha Sektori), Harlow Macfarlane n'a pas choisi la facilité, offrant même au contraire une de ses créations les plus arides, monstre labyrinthique d'une étouffante puissance.
Comme son nom et sa pochette le suggèrent, l'opus s'inspire de l'arbre de vie dont le Canadien offre une vision à la fois sombre et personnelle, occulte et tourmentée, reflet oppressant d'une force contaminatrice. De cette définition jaillit une bande-son faussement limpide et minimaliste que bercent effluves chaotiques et émanations stridentes. Symbole de vie dans toutes les cultures et mythologie, l'arbre est ici source de mort aux noueuses et tentaculaires ramifications.
Si tant est que la Dark Ambient le soit vraiment quoiqu'une espèce de beauté obscure et souterraine s'en dégage souvent, il convient d'admettre que "The Mirror Reversed" ne se révèle pas d'un eécoute très agréable, tunnel sans fin qu'aucune lumière ne vient jamais éclairer, vierge du moindre souffle de vie jusqu'à ses ultimes mesures, palpitations sourdes, funèbres... Enigmatique et impénétrable, l'oeuvre se mérite, derelict gigantesque qui s'étire au-delà du supportable et auquel viennent se greffer des kystes et miasmes sonores.
Happé au fond de ce trou noir d'où émane un souffle glacial, nous ne sommes pas très sûr d'avoir bien tout compris une fois parvenus, pour les plus courageux d'entre-nous, au bout de ce voyage aussi torturé que tortueux. Est-ce réussi ? Est-ce sans intérêt ? Peu importe. Opus privé de la plus petite once de vie, "The Mirror Reversed" est à prendre pour ce qu'il est, un bloc d'une noirceur bourgeonnante et absolue qui touche les sens plutôt que le coeur...