Poursuivant ses aventures à un rythme plutôt soutenu, Gazpacho nous revient en ce printemps 2014 avec ce qui est déjà son 9ème album studio en une douzaine d'années d'existence, dans un line-up inchangé depuis Missa Atropos.
Cette nouvelle production est basée sur le contenu d'un manuscrit unique de la bibliothèque de Prague, présentant la présence d'un esprit mauvais dans le monde. C'est cette histoire complexe que le groupe a souhaité mettre en musique au travers de quatre titres, son style sombre collant on ne peut mieux à un sujet pour le moins ésotérique.
L'epic en deux parties, I've Been Walking, s'inscrit incontestablement dans la lignée de Missa Atropos et de March of Ghosts : une musique mélancolique à souhait, basée sur un thème récurrent à la mélodie soignée que l'on retrouve dans les deux plages, et qui propose une alternance de parties intimistes proches d'un "progressif de chambre" et des chorus électriques à la fureur contenue. Les rythmiques subtiles viennent consolider une œuvre sublimée par la voix toujours aussi efficace de Jan Henrik Ohme, faisant régulièrement couler des frissons le long de l'échine, surtout lors d'une reprise de thème accompagnée par un duo piano/violon de toute beauté, préfigurant un final dont la montée en puissance s'interrompt hélas un peu tôt.
Cette recette éprouvée depuis plusieurs albums, Gazpacho aurait pu la répéter à l'envie sans décevoir le moindre auditeur. Mais, à l'image de sa musique, ce groupe cultive l'art de l'évolution subtile et en douceur. Passée la petite récréation proposée par The Wizard of Altai Mountain, titre court délivrant une sorte de musique Klezmer enjouée, accordéon, basse et violon de rigueur, les norvégiens se lancent dans une toute autre aventure avec la longue suite Death Room.
Laissant quelque peu de côté l'aspect mélodique de sa musique, Gazpacho nous propose tout du long de ces 18 minutes un progressif tirant fortement du côté expérimental de la chose, avec une première partie conjuguant atmosphères éthérées et rythmiques complexes, sans qu'un thème particulier ne se dégage de l'ensemble, baignant l'auditeur dans des ambiances qui ne sont pas sans rappeler dans l'esprit celles proposées naguère par Mark Hollis dans la deuxième partie de la carrière de Talk Talk. Et même si la seconde moitié du morceau revient peu à peu en terrain connu, il faudra un certain temps et un nombre d'écoutes conséquent pour pleinement intégrer toutes les subtilités et la richesse de cette longue plage complexe, posant les jalons d'une direction musicale élargie pour le groupe.
Nouvelle pépite dans la discographie de Gazpacho, Demon ne déroutera finalement que ceux qui n'auront pas la curiosité et la patience d'approfondir une musique plus complexe qu'à l'accoutumée. Pour tous les autres, celle-ci agira une nouvelle fois au plus profond d'eux-mêmes, en prise directe avec le système limbique, pour nous délivrer de multiples émotions, avec comme seul regret la brièveté de l'ensemble.