Alan Simon, dont le nom est devenu synonyme de "projets ambitieux", s'attaque cette fois-ci à une autre grande légende, celle de Tristan et Yseult. Maintes fois reprise en littérature mais aussi en musique, l'histoire des deux amants a inspiré à notre troubadour celtique des temps modernes une œuvre poétique alternant le folklore et le classicisme instrumental.
Avant de parler du contenu musical, il serait dommage de ne pas s'arrêter sur le somptueux livret de 48 pages. L'histoire y est retranscrite en français, breton et anglais, le tout magnifiquement illustré par des création de l'Institut Supérieur Européen de l'Enluminure et du Manuscrit, sous la houlette du Maître Enlumineur Barbara de Monchy. Excusez du peu ! Et parce qu'avec monsieur Simon un cadeau n'arrive jamais seul, un DVD, dont la présence n'est stipulée nulle part, offre un making of du titre "Les amants merveilleux", le clip officiel de "A prayer for my lover" et deux extraits d'un showcase à La Cigale.
Alan Simon nous a habitué à des distributions de rôles très cosmopolites et cette fois encore il a fait appel à des artistes de nombreuses nationalités. Il lui aura fallu plus d'un an de studio, en Bretagne, Irlande, Angleterre, Australie, États-Unis et Italie, pour réaliser l'enregistrement des dix neuf créations originales de l'album. Pour donner encore plus de substance à ses compositions, Alan a fait appel à un orchestre symphonique dont il a confié la direction au chef américain Lee Holdridge (directeur et arrangeur de "Beauty and The Beast", entre autres). Et pour finaliser tout ça, le mixage a été réalisé par Marco Canepa qui fut ingé-son pour Angelo Branduardi et Paolo Conte et qui avait collaboré avec Alan Simon sur la trilogie "Excalibur".
"The Kings", premier titre instrumental servi en guise d'ouverture, est interprété par la formation philharmonique et le son est tout simplement somptueux. Il est directement suivi par un autre instrumental ("Morholt") dans lequel les instruments modernes viennent se mêler peu à peu aux classiques, amenant vers la troisième piste ("The Tempest"), toujours instrumentale, qui introduit un grand piano superbe, des guitares électriques enjôleuses et les sonorités celtiques d'une flûte. Il faudra attendre le quatrième titre pour entendre une voix, et quelle voix ! celle de Siobhan Owen qui endosse le rôle d'Yseult avec une tessiture haut perchée qui n'est pas sans rappeler Kate Bush.
Contrairement au projet "Excalibur", "Tristan & Yseult" n'est qu'à moitié teinté de folklore et n'est pas ponctué de passage rock percutant. Les mélodies sont généralement dans un registre classique romantique dont les montées en puissance ne sont dues qu'aux violons, cuivres, bois et percussions classique. Sans vouloir détailler l'album piste par piste, il me faut bien citer quelques moments féériques tels que "The Lovers" qui débutent sur des grandes orgues pour se transformer en divertissement médiéval ressemblant à du Blackmore's Night, si ce n'est que la guitare qui plane sur cette composition est complètement oldfieldienne. Mais il faut bien dire qu'il n'y a guère de compositions mineures sur l'album.
Coté voix, la participation de Christian Décamps se limite à déclamer le texte de "Lettre à Yseult" avec la diction et l'emphase que les fans d'Ange connaissent bien. Les chants masculins (Tristan, le baron félon et le roi Marc'h) sont assurés, aussi bien en anglais qu'en français par Roberto Tiranti, Laurent Tixier et Alan Simon lui-même. Et permettez moi de conclure ce chapitre en revenant sur l'envoûtement causé par le chant aérien de Siobhan Owen, sorte de synthèse de Kate Bush, Annie Haslam et Candice Night.
A mi-chemin entre l'oeuvre symphonique classique et l'épopée folklorique, cette dernière création d'Alan Simon est musicalement féérique. La présence du grand orchestre lui donne une profondeur et une puissance propres à réjouir les amateurs de symphonies romantiques. Un seul regret : les compositions auraient pu être plus longues afin de mieux se repaître des ces somptueux arrangements.