Parmi les pays dont la terre fertilisée a donné naissance à de beaux surgeons du rock progressif, la Suède a de bonnes raisons de figurer à une place d'honneur. The Flower Kings, Kaipa, Karmakanic, Anglagard, Anekdoten ou Landberk, pour ne citer que les plus célèbres, viennent immédiatement à l'esprit dès lors qu'on associe les mots "suédois" et "progressifs". Si les trois premiers pratiquent une musique très éclectique et souvent lumineuse, les trois derniers livrent des œuvres globalement plus sombres inspirées de leur penchant pour King Crimson et Van der Graaf Generator.
Benjamin de cette famille inspirée, Palefeather est un jeune trio dont la sensibilité musicale l'affilie plus aux seconds qu'aux premiers. Encore qu'en termes de muse inspiratrice, le combo soit plus proche d'un autre géant nommé Pink Floyd. Ainsi, après une introduction confidentielle d'une poignée de secondes, les arpèges délicats d'une guitare aérienne nous plonge dans une mélodie rappelant un certain 'Shine On You, Crazy Diamond'. Plus loin l'entrée d'un orgue sourd sonne comme dans "More" ou "Obscured By Clouds". Et la brutale chute du volume dans les derniers instants de 'Palefeathered Wind' rappelle le même procédé utilisé sur 'Welcome To The Machine'.
Alors, simple clone de Pink Floyd ? Certainement pas ! Disons que tous les fans du groupe londonien seraient bien inspirés de jeter une oreille sur cet album dans lequel ils retrouveront une ambiance où les envolées de guitare et les murs d'orgue résonneront comme un écho aux thèmes les plus atmosphériques de la période s'étendant de "The Piper At The Gates Of Dawn" à "Wish You Were Here". Mais Palefeather puisent aussi dans ses racines (les précités Anglagard et Landberk) ainsi que dans la musique électronique (Klaus Schulze, le français Bertrand Loreau) pour créer une musique personnelle riche en sentiments.
Entièrement instrumental, l'album se partage entre quatre titres de longueurs respectueuses propices à enchainer les variations de thèmes chères au genre. La musique est souvent calme et limpide, avec quelques moments plus sombres. Moins dépressive et plus évolutive que le post rock, elle déroule des boucles de mélodies spatiales et contemplatives, plutôt zen, portées par des guitares tantôt cristallines et floydiennes, tantôt pesantes et menaçantes. Se succèdent l'onirique et monumental 'Megaloceros', le poignant, languissant et mélancolique 'The Trumpeter', 'Rombol' plus énergique et tourmenté, et enfin 'Palefeathered Wind', plus froid et métallique au moins sur sa première moitié.
Même si le tempo est globalement lent et les thèmes souvent répétés, l'intérêt reste constant grâce aux enchainements d'une grande fluidité, à des mélodies accrocheuses et à un savant dosage de la répétitivité. L'écoute de cet album convie l'esprit à une flânerie rêveuse, on flotte en apesanteur dans une musique intemporelle, le vague à l'âme et empli d'un spleen bienfaisant.
Et quand on redescend sur terre, on n'a qu'une seule envie : remettre vite fait l'album sur sa platine.