Pour leur premier album "Lost" les allemands de Thoughts Factory ont mis les petits plats dans les grands. Côté personnel, trois des cinq membres de cette formation sont d’aguerris musiciens de studio pour Paul Gilbert, Kiko Loureiro, Scott Henderson ou Alan Holdsworth ! Côté musique, "Lost" est album concept qui essaie d’aborder la terrible question du suicide de l’être aimé, à travers les interrogations et les états d’âme que cela engendre. L’ambition et l’expérience sont donc à mettre au crédit de ce groupe qui revendique les grands noms du rock et du métal progressif comme inspirations.
Après une introduction instrumentale maitrisée typique du métal progressif ce sont sur les émotions vocales de Markus Becker que se porte le final de 'Awakening'. 'The Deep Forest', un des trois gros morceaux de "Lost", opère la jonction en gardant la même typologie harmonique qui fait clairement référence aux compatriotes de l’excellent groupe Wolverine. A mesure que s’égrainent les douze minutes de ce titre riche, le plaisir à l'écoute de certaines mélodies et refrains se voit disputé par quelques moments de déception. En cause les grossières insertions growl opethiennes et la difficulté à rendre cohérentes les différentes parties de cette pure tentative progressive. Les allemands s’en tirent un peu mieux sur 'Desperation' qui par son format court limite les occasions de se perdre en chemin.
Nous attendions le "moment Dream Theater" et le suspens aura été maintenu pendant quatre titres. 'Voices From Heaven' souffre des mêmes travers que 'The Deep Forest' avec la circonstance aggravante que le fantôme de Dream Theater (période "Six Degrees Of Inner Turbulence"), avec un soupçon de Mullmuzzler, plane ouvertement sur une grande partie des choix mélodiques. Se contenter de la technique et d'une bonne culture musicale ne permettront jamais de proposer de la musique progressive de qualité, même si la combinaison fait illusion pendant 'No Way Out'. La déception de plus en plus installée trouve un répit durant l’instrumentale toute en finesse de 'The Mire' mais pour 'Death Of A Dream' les tropismes encombrants resurgissent et les quelques idées évanescentes ne trompent pas l’oreille entraînée.
Il n’y a rien de plus désagréable en musique que la pale copie. Dream Theater incarne tellement sa propre caricature depuis plusieurs albums qu’il est inutile d’en rajouter une de plus. Si Thoughts Factory a voulu profiter des souffrances du souverain pour s’infiltrer dans la brèche et raviver les vieilles antiennes c'est qu'il a trop vite oublié que le patrimoine laissé par les américains est tellement solide et incontestable que la meilleure façon d’aborder le métal progressif est ailleurs. Thoughts Factory à des arguments à faire valoir mais il lui faudra se défaire de ses influences trop pesantes pour trouver son expression personnelle.