Le rock progressif va souvent de pair avec l'heroic fantasy et la science-fiction. Du premier, Gandalf's Fist tient son nom (faut-il rappeler que Gandalf est le sorcier blanc du "Seigneur des Anneaux" de JRR Tolkien ?). Du second, il tire la trame narrative de son dernier album, "A Day In The Life Of A Universal Wanderer" (que, au vu de la longueur de ce titre, nous nous permettrons d'appeler dans la suite de cette chronique ASITLOAUW, ce qui est déjà suffisamment long).
ASITLOAUW nous invite à faire un bond dans l'espace-temps pour aller à la rencontre d'une figure mythique du 26ème siècle, The Universal Wanderer, qui a erré dans le cosmos de la création du monde à la fin des temps. Vaste programme.
On l'aura compris, ASITLOAUW est un concept-album futuriste dont l'ambiance est installée dès le premier titre, entre musique de fond spatiale et narrateur à la voix profonde et légèrement inquiétante, procédé classique, voire éculé, un début qui n'est pas sans rappeler un certain Ayreon. Enchainé à cette brève introduction, 'The Nine Billion Names Of God' prend l'auditeur à contre-pied avec une mélodie vaguement folklorique et l'alternance de deux voix, murmure grave contre chant aigu et distordu, rappelant cette fois le duo Pye Hastings/Richard Sinclair au début de Caravan, impression renforcée par l'apparition de flûtes contemplatives.
Le soin apporté à ne pas s'emprisonner dans un carcan mais au contraire à diversifier sa musique peut sans conteste être inscrit au crédit de Gandalf's Fist qui mêle avec intelligence atmosphères spatio-futuristes ('Another Night On The Far Side Of The Universe', 'Orphans Of The Sky'), souffle épique ('Stowaway to the Mushroom Planet'), pop progressive ('North of the Wall', 'Nexus'), folk médiéval ('The Battle for Tannhäuser Gate'), hymne revendicatif ('A Universal Wanderer') voire guerrier (la fin de 'Orphans Of The Sky', 'Maze of Corridors') et romance sentimentale ('Somewhere Beyond the Stars'). Dans le même esprit, les alternances de chants graves et aigus, la récurrence d'un narrateur, le mélange de voix masculines et féminines participent à éviter tout effet de lassitude et à immerger de façon convaincante l'auditeur dans l'histoire.
Malheureusement, l'album n'est pas exempt de défauts. A propos du chant, on ne peut passer sous silence le curieux parti-pris de Luke Severn. Ce dernier se complait à chanter d'une étrange voix susurrée et chuintante, utilisant de surcroit souvent de distorsions pour lui donner un effet métallique. Si l'impression produite fait effectivement penser à un univers futuriste, son utilisation un peu systématique, une fois l'effet de surprise passé, engendre une certaine lassitude. Par ailleurs, si la musique est variée, elle se perd parfois dans une fausse complexité et des effets un peu kitsch, en oubliant d'être convaincante. C'est notamment le cas des deux derniers titres, 'The Battle for Tannhäuser Gate' délivrant un folk un peu mou, sorte d'ersatz de Mike Oldfield du pauvre tandis que 'The Wanderer Goes South' manque singulièrement de charisme.
Cette conclusion malheureuse laisse évidemment l'auditeur sur une impression mitigée un peu imméritée. Car, si ASITLOAUW ne joue pas dans la catégorie "chef d'œuvre", il s'écoute sans déplaisir la plupart du temps et contient quelques moments forts. Pour n'en citer que deux, 'Somewhere Beyond the Stars' est un piano/voix (féminine) sentimental, mais sans mièvrerie, aussi simple que lumineux alors que 'A Universal Wanderer' à la structure bicéphale prend aux tripes dans sa deuxième partie grâce à un hard rock des plus réussis. Enfin, il serait injuste de ne pas rendre hommage aux invités qui, loin de faire de la figuration, enrichissent cet album de leurs nombreuses interventions, que ce soit au saxophone (mention spéciale au final floydien de 'Nexus'), à la flûte ou au chant.
A la croisée des chemins entre pop synthétique et progressif spatial, ASITLOAUW plaira probablement aussi bien aux amateurs d'Alan Parsons Project que d'Eloy, et pourra même intéresser ceux de Pink Floyd au détour inattendu de quelques titres. Parfois inégal, il recèle néanmoins suffisamment de bons moments pour lui accorder le temps d'une écoute.