4.45 A.M est la musique d'un film mystérieux (l'heure à laquelle les forces du vampire faiblissent en prenant conscience de l'arrivée imminente et impromptue du chant du coq ?) et virtuel dont nous n'aurons pour scénario auditif que quelques voix féminines et une parodie d'émission de radio, proche d'After Crying (sur ''Show'').
Les sentiments d'abandon, de faiblesse et de mélancolie règnent sur cet album, sans pour autant que ce dernier puisse être taxé de dépressif comme en témoigne l'instrumental 'Gallarda Yarura' dans lequel une
jeune femme, après avoir été sévèrement sermonné par sa mère, se
retrouve esseulée et commence à sangloter, tandis que des claquements
de mains hispanisants suivie d'une guitare nocturne semblent vouloir
lui apporter du réconfort. Prenant des
directions inquiétantes (le rythme martial de la batterie), puis plus
chaleureuses et planantes (les guitares, le synthétiseur qui joue comme un
accordéon), cette deuxième piste est de loin le mont Everest de l'album,
révélant l'habileté du groupe à jouer sur une corde raide.
Aucune chanson ne ressemblant à une autre, l'album se révèle un
compromis schizoïde entre instrumentaux et des chansons d'obédience pop, qu'il serait indécent
de considérer comme du remplissage. En ce qui concerne la première catégorie, la maîtrise technique et symphonique du groupe
convie l'auditeur à des expériences hétéroclites. 'The ship', dans lequel d'assourdissantes vagues s'abîment sur un
gréement d'un navire pris dans la tempête, tout comme 'Intermission' font la part belle à l'expérimentation. Ce dernier débute d'ailleurs par une
boucle de clavier rappelant le jeu de Peter Bardens sur 'Lady Fantasy' avant d'évoluer vers des sonorités parfois proches du jazz, mélangeant la techno avec Pink Floyd période ''The Wall'' pour se terminer dans un carnage tribal.
Cette pause prépare la voie à la très glacée 'Hero' où un synthétiseur dans la lignée de celui de Mark Kelly lance une première charge, ouvrant le passage à la guitare démentielle de German Vergara
qui investit le champ sonore avant que ne s'invitent des mélopées
mixtes faisant pencher la balance néo-progressive vers une inclinaison
plus atmosphérique.
Hélas, le défaut principal de l'album précédent n'a pas été totalement effacé puisque la formation reste incapable de trouver de véritables conclusions à ses créations, préférant les étirer à l'extrême. On peut retrouver ce grief sur la première piste dans laquelle, après un solo de guitare pouvant rappeler Camel, la reprise assurée par la voix n'est pas convaincante.
En ce qui concerne la seconde catégorie, le groupe est capable d'aller puiser dans tous les genres pour renforcer son propos. 'Shallow and daft' par exemple est une ballade sautillante au synthétiseur qui aurait pu connaître un succès dans les années 80 aux côtés des premiers albums de Depeche Mode et de Duran Duran. Le groupe peut aussi se faire très sérieux à l'image de 'Sorrow' dont l'introduction pourra rappeler l'Amérique du Sud et qui se présente comme un monologue tourmenté avec des intonations proches de Steve Hogarth renforcé par des choeurs et une voix féminine donnant une touche de schizophrénie à l'ensemble. A cet égard, la voix de Sebastian Vergara révèle une riche palette d'émotion, pouvant passer de l'imitation la plus caustique ('Back my strenght' ressemble au coït forcé par une guitare euphorisante entre Thom Yorke et Matthew Bellamy) à la plainte déchirante (la pavane 'The Sacrifice' renforcée par sa harpe) mais également, et c'est un défaut, capable de tomber dans la fadeur la plus soporifique (la voix semble maladroite et l'anglais peu clair sur 'Melancholia').
4 ans après ''In Sudden Walks'', disque perché à califourchon entre rock
progressif, néo prog et rock symphonique,
le groupe chilien ne s'est pas encore affranchi de toutes ses influences mais progresse sur des chemins tortueux qui font la part belle aux instrumentaux. Et surtout, il compte le meilleur instrumental de l'année, 'Gallarda Yarura'.