‘Amour Massif’ est le quatrième et nouvel album de Nosfell, chanteur Français aux origines multiples. Son premier opus ‘Pomaïe Klokochazia balek’ sort en 2005 suivi en 2006 par ‘Kälin Bla Lemsnit Dünfel Labyanit’. En 2009, la création de son troisième album éponyme clôt un triptyque et parachève la description de personnages et d’histoires annoncés dès ses débuts sur scène. ‘Amour massif’ a été enregistré avec le multi-instrumentiste Thibault Frisoni (compagnon de Bertrand Belin ou David Lafore) et le batteur Etienne Gaillochet (de We Instit !). Nosfell a composé tout l'album et en a accompli la majorité des arrangements, et son univers a été développé en partie avec des textes de Dominique A et de Dick Annegarn.
Labyala Nosfell est un créateur d’univers, un conteur oriental, acteur de théâtre kabuki, joueur de koto, pantomime, poète africain, histrion, musicien recherché et arrangeur de talent entre autres qualités. Ce personnage est une ambigüité à lui tout seul, sachant se faire énorme, intimidant et attirant tout à la fois. Dans le paysage musical français et même au-delà, Nosfell est un extraterrestre et ce à plusieurs niveaux. Depuis dix ans, il trace un des chemins les plus insolites de la musique en France avec sa voix d'une malléabilité et d’une élasticité étonnante, des mélodies fourmillantes, un univers imaginé de digressions concentriques et ensorcelantes, à commencer par le klokobetz, langue inventée mais dont la grammaire et la syntaxe sont absolument implacables et précises. A l'image du kobaïen popularisé par Magma, Nosfell s’est construit son propre langage.
Musicalement, ‘Amour Massif’ est une mue. En effet le klokobetz ne s'entend qu'à l'ouverture (‘Ij Koliv….’ et son intro haletante) et à la coda de l’album (‘… Nar ij Soliv..’), comme pour s’en extraire un peu mais tout de même marquer l'ancrage dans le mythe. Pour le reste, Nosfell chante en anglais et en français en proposant un recueil de chansons autour du thème de l’amour, une forme de dévoilement, de mise à nue émotionnelle de l’artiste. L'album est plutôt une œuvre pop/rock empreinte de synthés, de cordes et de cuivres, d'une beauté éclatante, à la fois écorchée et baroque, spontanée et poétique, et c’est au travers de ces contenus que l’on retrouve Nosfell même sans klokobetz (ou presque).
Avec l’artifice de ses multiples voix hallucinantes qui le caractérisent, passant d’un tour de magie de la voix rauque de Tom Waits à la voix angélique de Kate Bush (‘Ile Mogador’ et ‘Fathers+Foes’), et d’autre part cette recherche mélodique qui lorgne ouvertement vers le rock sans jamais en appeler à ses empreintes les plus directes, Nosfell assure vraiment et continue dans l’originalité et l’indépendance la plus sépulcrale. De mélodies chaloupées et berçantes comme dans ‘Même Si La Mer Ne Dit Rien’ avec sa ‘beat box’ à des chansons plus classiques comme ‘Amour’ et son refrain entêtant et hypnotique, puis vers des morceaux plus rock comme ‘Rubicon’ et son texte en Anglais ou ‘Rainbowed’, Nosfell nous démontre l’étendue de son talent. Avec une ligne de basse en fond et sa voix haut-perchée, «Cannibale» dévoile un texte infiniment beau comme c’est également le cas pour ‘Dans des chambres fantômes’ et ‘Une voie divine’. Enfin Nosfell sait aussi faire des titres taillés pour la radio comme le très popisant ‘Sur la Berge’.
L’adaptation du public déjà conquis par Nosfell et son klokobetz se fera sans grande difficulté. Après tout, l'auditoire a lui aussi évolué ces dernières années, et il y a de grandes chances qu’il soit toujours en phase avec un super artiste qui a su demeurer atypique. Un coup de cœur assuré pour un artiste et une personne touchante avec un talent qui déborde et éclabousse nos êtres. La métamorphose de Nosfell était un enjeu hardi, ardu mais oh combien réussi.