"Silence" était un titre d’album prémonitoire car avant de pouvoir entendre "Circus Pandemonium", sept longues années se sont écoulées. Le manque consécutif à l’absence des suédois n’a jamais vraiment été comblé par aucune autre formation, d'où le plaisir réel d'enfin retrouver leur rock progressif jouissif et frénétique. Ce mutisme prolongé aurait pu être fatal pour le groupe qui n'est pas passé loin du hiatus, mais finalement c’est bien l’intégralité du quintet historique (sauf Lejon qui intégra le groupe avec "Last Epic") qui signe ce cirque infernal.
L’univers du cirque, qui parait totalement approprié pour coller à l'esprit jovial et festif des suédois, est abordé d’une manière très originale dans "Circus Pandemonium" avec un concept accrocheur et très intelligent. Chaque morceau raconte les personnages typiques du cirque sous leur côté sombre, celui avec lequel ils doivent composer pour satisfaire l’exigence du spectacle. L'artiste surdoué qui peut tout dompter même les « femmes réticentes » (sic !), le manager cupide et exploiteur, le clown alcoolique et dépressif au dessein funeste et le monstre qui s’avère bien plus humain que ce qu’il renvoie aux yeux des spectateurs. L’histoire, qui donne sa grande force au disque et tout son contraste, est parfaitement mise en musique avec ce qu’il faut de bruitage (‘Everything’s Falling’), de séquences discursives (‘Presentation’ et 'Arguments'), d’ambiance (‘The End’) et d’interludes instrumentaux.
Nous ne vous ferons pas l’impudence de vous décrire en détail le style d'A.C.T. tant celui-ci est marquant et reconnaissable entre mille. Toujours aussi percutante (‘Confrontation’), entraînante (‘Manager’s Wish’) et techniquement irréprochable, la musique d’A.C.T. mélange avec génie la puissance des guitares, les refrains popisants (‘A Truly Gifted Man’) et les arrangements léchés (‘The End’). La richesse harmonique des chœurs et des vocalises ('Look At The Freak' et ‘The Funniest Men Alive’), due notamment au concours de quatre invités, rapproche encore plus A.C.T. de la grandiloquence de Queen et, c’est une nouveauté, de Toto. Les suédois ne versent jamais dans la jovialité béate et se laisser attendrir par la ritournelle enfantine qui ouvre, irrigue et clôt l’album serait une erreur. "Circus Pandemonium" sait être solaire la plupart du temps et profondément bouleversant (‘A Mother’s Love’), sombre (‘Lady In White’) et tragique (‘Freak Of Nature’) pour être en totale cohérence avec le brillant concept.
"Circus Pandemonium" est une œuvre totale avec un contenu musical et conceptuel ambitieux qui peut s’appréhender avec légèreté via une immédiate jubilation sonore. Au fil des écoutes apparaissent la richesse des détails et des mélodies, les divagations visuelles et la profonde émotion sous-jacente, inspirée par la vraie densité des personnages. Avec "Circus Pandemonium" A.C.T. signe un retour fracassant avec ce qui sera probablement son meilleur disque.