Avec ses onze ans d'âge, Epica fait presque désormais office de vétéran de cette scène gothico symphonique qu'il a contribué à bâtir. Mais ce statut peut être à double tranchant, synonyme à la fois d'assurance tranquille et de recette éprouvée, ce qu'illustrent les Hollandais, lesquels n'étonnent plus vraiment depuis longtemps en gravant tous les deux ans en moyenne de (bons) albums au niveau égal mais sans surprise.
Si "Design Your Universe" a su amorcer une évolution vers une musique plus sombre sinon plus adulte, son successeur, "Requiem For The Indifferent" en a quant à lui déçu plus d'un. Reste cependant le charme intact de Simone Simons dont nous sommes tous amoureux depuis "The Phantom Agony", capable à elle seule de sauver n'importe quelle chanson de la banalité. "The Quatum Enigma" changera-t-il la donne ?
Inutile de tourner autour du pot, la réponse est non. Ses thuriféraires commençant à faire la gueule, précisons très vite que cette septième offrande (en comptant "The Score - An Epic Journey") demeure bien entendu largement au-dessus de la production courante que le genre continue encore à déverser bien que son âge d'or soit révolu depuis longtemps. S'il reste fidèle à son style reconnaissable entre mille, Epica ne se départ pas non plus de ses standards de qualité qui sont toujours l'assurance d'un travail colossal aussi bien en terme d'écriture que d'arrangements. Rien à dire de point de vu là, c'est comme d'habitude très bien fait.
Le chant se se révèle à ce titre particulièrement soigné, qu'il s'agisse des lignes de la belle rouquine, puissamment lyrique ('The Essence Of Silence'), ou des choeurs d'une profondeur grandiose ('Chemical Insomnia'). A l'actif de cet opus, notons également l'équilibre parfait auquel le groupe est désormais parvenu entre envolées grandiloquentes et dureté de traits comme de ton, à l'image de 'The Second Stone', amorce furieusement mélodique digne des meilleurs morceaux de son répertoire et dont les cinq minutes synthétisent avec classe et brio l'identité des Hollandais.
Mais à l'instar du cinéma actuel qui inspire tant ces derniers, le programme s'embourbe encore une fois dans de regrettables longueurs. S'étirant sur près de 70 minutes au compteur, "The Quantum Enigma" ne peut que s'essouffler en cours de route, débouchant sur une dernière partie dont on ne retient rien, si ce n'est que le groupe aurait mieux fait de s'abstenir de proposer une suite à 'Kingdom Of Heaven", l'un des joyaux émaillant "Design Your Universe".
C'est d'autant plus dommage que de nombreuses réussites jalonnent cet interminable menu. Si l'intermède celtique 'The Fifth Guardian', au demeurant très belle, semble s'être échappée d'un disque de Nightwish, des titres de l'acabit de 'Unchain Utopia' où Simone brille de mille feux, 'Victims Of Contingency', dont les atours Death témoignent que ses auteurs n'oublient pas leurs (lointaines) racines extrêmes, sans oublier 'Sense Without Sanity', le vrai epic de cette cuvée 2014, d'un symphonisme crépusculaire, élèvent l'ensemble au-dessus de "Requiem Of The Indifferent", sans pour autant tutoyer l'éclat de "Design Your Universe", opus dont il se rapproche autant en terme de qualité que de style.
A l'arrivée, on tient là un album de plus qui devrait sans aucun doute satisfaire les fans du groupe tout en confirmant que celui-ci a atteint par le passé un niveau qu'il ne réussira plus à franchir...