Bien qu'originaire de Salt Lake City, SubRosa se veut par contre californien de coeur et plus précisément de San Franscico et de sa banlieue (Oakland), point de convergence d'une scène musicale aussi foisonnante que passionnante où se croisent, excusez du peu, des formations telles que Amber Asylum, Neurosis, Dispirit ou Worm Ouroboros, autant d'artistes auxquels le sujet de cette chronique est plus que jamais connecté, architecte d'un sludge doom minéral et atmosphérique à la fois.
Davantage que le séminal "Strega" en 2008, c'est son successeur, "No Help For The Mighty Ones" qui a permis à ses auteurs de durablement marquer les esprits en cela qu'il esquissait un art certes toujours sous influences mais plus singulier. On mesure maintenant qu'il n'était que l'arbre cachant la forêt, immense et touffue, sillonnée par des sentiers tortueux conduisant vers un havre de repos, éternel. Tel est "More Constant Than The Gods", oeuvre massive au caractère bicéphale dont la pesante tension qui la vrille n'en altère jamais la beauté séculaire, éclat qui tout du long sourde d'un socle granitique pour jaillir en un geyser d'émotion rentrée.
Bien entendu, le chant, intense et fébrile, de la guitariste Rebecca Vernon comme les lignes de violon, sèches et rugueuses, de Sarah Pendleton sont les principaux vecteurs de cette beauté en clair-obscur, ancrée dans la terre. D'un sombre et poétique mysticisme, l'album a quelque chose d'un bloc dense et compact dont les racines noueuses sont la sève gonflée d'une mélancolie profonde, déchirante par moment, à l'image de 'Fat Of The Ram', pulsation tellurique que minent des riffs pachydermiques aux allures de plaques tectoniques qui se chevauchent, chape de plomb qui s'abat telle une faute que l'on ne peut expier.
Bien que longs et pesants, ces six titres de plus de 10 minutes en moyenne évitent de sombrer dans ce monolithisme qui guette toujours le genre, puissants tertres au contraire que creusent des galeries anguleuses. 'Affliction' et surtout 'The Usher', monumentale amorce qui après des premières mesures engourdies et décharnées s'élève brutalement en un orgasme puissant, emportent tout sur leur passage pour venir s'écraser contre la falaise que dresse une rythmique granitique.
Durant près d'un quart d'heure, SubRosa jongle entre lourdeur souterraine et beauté bouleversante qui prend aux tripes, périple tumultueux secoué par de multiples forces et qui place d'entrée de jeu très haut une barre que le reste de l'album n'atteindra jamais vraiment, hormis le temps de 'No Safe Harbor', sentinelle dramatique qu'égrènent des notes de piano glaciales et une flûte boisée. Cette longue respiration, que viennent racler dans sa seconde partie des rushs de guitares goudronneuses, ferme l'écoute de la seule manière qui soit, calmement tragique, masse minimale sous laquelle couve une tension émotionnelle toujours retenue.
Avec cet opus qu'une vie entière ne suffirait à découvrir, SubRosa a réussi à propulser son art vers des sommets que "No Help For The Mighty Ones" laissait à peine entrevoir, sphères inaccessibles normalement domaine des dieux seuls...