Avoir Kristoffer Rygg, plus connu sous le nom de Garm, pour écrire quelques lignes élogieuses à propos de son premier album, aide forcément à attirer les oreilles sur soi, l'âme d'Ulver n'étant pas du genre à accoler sa signature au premier groupe venu en mal de patronage. C'est donc sincèrement que le Norvégien reconnaît avoir été très impressionné par "Illusory Blues" que son ami Jaime Gomez Arellano lui a fait écouté.
Que le tout aussi précieux et exigeant Svart Records ait jeté son dévolu sur ce galop d'essai est également un indice qui ne trompe pas, d'autant plus que ses auteurs ne sont ni Finlandais - ils sont Anglais - ni les artisans d'une musique vraiment lourde ou psychédélique, traits communs à la plupart des formations que cette structure a l'habitude de signer. Certains décèleront peut-être dans ce Rock intimiste ces lointaines racines folk progressives qui ne sont jamais pour déplaire au label de Turku.
Peu importe au final car la qualité est effectivement là, émotionnelle et racée. Peu importe également que les influences dont se nourrit Messenger fassent parfois plus qu'affleurer à la surface, citons ainsi pèle mêle le Anathema contemporain, Ulver justement ou les Beatles, comme sur le très beau 'The Return' où pointe aussi l'ombre du King Crimson époque "Lizard", car la classe et la finesse dont font preuve les Anglais, dont on rappelle que ce n'est que le premier opus, balaient très vite ces images, ces comparaisons qui chez d'autres seraient fâcheuses.
On est tout d'abord séduit par les arrangements (notes de flute sur 'Let The Light In' dont les arabesques orientales évoque avantageusement le fantôme de Led Zeppelin), sensibles et duveteux émaillant "Illusory Blues", magnifiés par la prise de son chaleureuse du batteur Jaime Gomez Arellano. Guitares acoustiques belles comme un chat qui dort, lignes de violon discrètes mais déchirantes ('The Perpetual Glow Of A Setting Sun'), tapi d'orgue molletonné et envolées de six-cordes ('Somniloquist') définissent une partition riche et tavelée d'émotions. C'est parfois lourd, toujours bouleversant.
On est surtout séduit par le chant fragile de la paire de guitaristes et fondateurs Khaled Lowe et Barnaby Maddick ('Dear Departure'), colonne vertébrale poétique teintée d'une curieuse fébrilité, de chansons dont l'apparente simplicité masque en réalité un travail d'écriture d'une belle précision. On sent à leur écoute qu'elles sont le fruit d'une lente maturation. Difficile de ne pas succomber à des perles telles que 'Piscean Tide', brise mélancolique d'une épure dans l'émotion tout à fait remarquable et plus encore à 'Midnight', longue pièce progressive en forme de montée en puissance et que sillonne un panel d'ambiances à la fois légères et désenchantées.
Entre Rock atmosphérique et folk automnal, Messenger livre un album éblouissant, sans doute premier jalon d'une carrière qui s'annonce sous les meilleurs augures.