Cette année, nous célébrerons le centenaire de la grande guerre. Pourquoi une telle entame ? Parce que le sujet de cette chronique a justement fait de la Première Guerre mondiale son combustible, choix à la fois original au sein d'un genre, le Black Metal, qui (trop) souvent se contente à longueur de méfaits de ruminer un message anti-chrétien qui ne choque plus personne.
Azziard a trouvé dans ce terreau âpre et rude matière à sculpter un art violemment tumultueux au profond goût de sang. Ses prestations scéniques, haineuses et sans fioritures, tout comme sa boucherie séminale baptisée "1916" (rien à avoir avec Motörhead, bien entendu !) ont su témoigner de cette implacable noirceur. Après un assourdissant silence de plus de cinq ans, le bataillon n'aurait donc pu choisir moment plus opportun pour revenir au combat.
Comme son visuel, concocté par Set Metastazis (Blut Aus Nord notamment) le laisse deviner, "Vésanie" arpente les méandres torturés d'un Black Metal qui bouillonne de négativité, tendu comme le foc d'un navire, puisant dans un récit nihiliste, celui d'un homme revenu vivant de la guerre mais psychiquement blessé, la matière terreuse, sinistre et tranchante idéale.
C'est peu dire que l'oeuvre ne fait pas de prisonniers. Elle ne connait pas davantage la diplomatie, déclarant la guerre une fois emballé un menaçant prélude ('Allégorie'). Ramassé et sans temps morts, l'album maintient une quarantaine de minutes durant une froide et âpre intensité qui jamais ne faiblit.
Mais Azziard n'est pas Marduk ou Endstille. De fait, si les blitzkriegs ne sont pas pour lui déplaire, à l'image du brutal 'Disjonction', le groupe n'est jamais aussi bon que lorsqu'il serre le frein à main pour plaquer un break lourd comme un panzer ('Disgression'). Chaque titre alterne agression sauvage et tempo rampant, comme l'illustrent avec une force certaine des cartouches telles que 'Sur la toile' ou 'De lumière, d'obscurité' que perforent de mortifères tranchées. Loin de l'assaut frontal attendu, des humeurs malsaines suintent de ces chairs sacrifiées. Redoutables et palpitant de haine, les guitares sont les baïonnettes creusant dans la peau ces vicieuses stigmates, témoin le court mais dérangeant 'Dialyse'.
S'il n'invente rien, le groupe se montre tout du long d'une belle efficacité. Les progrès réalisés en quelques années se révèlent impressionnants, transformant ce qui n'était qu'un modeste char en solide machine de guerre. La prise de son est d'une grande puissance mais reste authentique et les lignes de chant sont particulièrement travaillées. Deux autres qualités à mettre à l'actif de cette très bonne offrande, laquelle prouve ce faisant que ses géniteurs ont désormais atteint leur pleine maturité.