Si la seule évocation des noms de Mitch Harris et Shane Embury en excitera certainement plus d'un, ceux qui espéraient croiser avec Menace une sorte de Napalm Death bis en seront bien entendu pour leur frais ! Car point de Grind ici, style du reste déserté depuis bien longtemps maintenant par l'ancêtre britannique et pas davantage de Death metal non plus, alors même que Derek Roddy, un habitué du brutal qui fait tâche, se trouve derrière les fûts. Par contre, ceux qui se souviennent que les deux musiciens s'étaient déjà retrouvés en dehors du giron maternel, le temps de Meathook Seed, projet hybride d'un metal de la mort franchissant l'Indus, ne seront pas surpris par ce nouveau groupe qu'on aurait toutefois tort de ne réduire qu'au successeur naturel de son éphémère aîné.
Alors certes, des similitudes existent, évidentes, à commencer par l'écriture de Mitch Harris dont on sait quel compositeur inspiré il demeure. Il le prouve encore une fois avec "Impact Velocity", opus d'une incroyable précision. Il y a surtout cette liberté qui rend Menace aussi inclassable que Meathook Seed. Le jeu de comparaison s'arrête cependant là en cela qu'au Death Indus du second le premier préfère un metal moderne qu'on se risquerait presque à qualifier de progressif si celui-ci ne rimait pas trop souvent avec (vaines) démonstrations et tubulures alambiquées.
De fait, certains n'hésitent pas à comparer, non sans raison, ce galop d'essai aux travaux de Devin Townsend avec lequel il partage il est vrai une expression presque glacée et ce goût pour les envolées atmosphériques. Le rôle, discret et pourtant essentiel, des claviers participent aussi de cette filiation. Sans oublier cette science de la composition millimétrée, du canevas à la précision imparable.
Le chant marque un autre point divergeant entre les deux side-projects de Mitch Harris et peut-être celui qui emportera le moins l'adhésion. A tort. En effet, s'il avait laissé à d'autres (soit Trevor Peres d'Obituary puis le français Christophe Lamouret) le soin de vocaliser sur les deux albums de Meathook Seed, le guitariste assure cette fois-ci, en plus des parties de six-cordes et des nappes synthétiques, les lignes vocales que d'aucuns jugeront faibles et sans profondeur. Quand bien même Harris n'est pas un grand chanteur, sa voix se fond plutôt bien dans cette musique limpide et lourde à la fois. Par sa fragilité, elle confère même à l'ensemble une émotion certaine qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler le Canadien fou ('Malicious Code').
Et on finit par oublier cette relative faiblesse, très vite ferré par ces chansons extrêmement denses, machines imparables aux rouages dignes d'une orfèvrerie. A des années-lumière du Death metal auquel les membres du groupe sont associés, un substrat néanmoins très lourd leur sert de socle, Derek Roddy trouvant parfois même le temps de jouer les lapin Duracell, comme durant les premières mesures du titre éponyme, morceau du reste assez hallucinant aux allures de pandémonium où se mêlent rythmique sauvage et robotique, sonorités enveloppantes et pistes vocales versatiles.
S'il fait mouche d'emblée, "Impact Velocity" n'est pas moins difficile à cerner, c'est aussi ce qui en fait toute la valeur intrinsèque. De fait, après une amorce séduisante, qu'animent trois hymnes irrésistibles, 'I Live With Your Ghost', 'Multiple Clarity' et plus encore l'énorme 'Painted Rust', sorte de croisement entre Paradise Lost et Devin Townsend (?),aux arrangements envoûtants et lui aussi théâtre d'une performance redoutable de Derek Roddy, le menu empreinte ensuite un chemin sinueux, plus expérimental ('I Wont See The Sun'), plus lourd et acéré aussi ('Everything And Nothing'), d'une grande densité mais que survole toujours une forme de grâce céleste à l'image de 'Drowning In Density" ou bien 'To The Marrow'.
Puissant et personnel, "Impact Velocity" est de ces albums qui s'imposent au fil du temps comme des réussites incontestables et que les fans de Napalm Death tout comme ceux que ce nom pourrait effrayer, seraient bien avisés d'écouter...