Il est compliqué de nos jours d'arriver à concilier l'émotion brute et les ambiances prenantes avec l'énergie et la brutalité la plus pure. Quelques groupes ont réussi à tenir un discours cohérent ces dernières années, mariant non pas des genres, mais bel et bien des esthétiques. On pense notamment à Hypno5e, Cénésthésie, ou, dans un genre un peu différent, Deafheaven avec son superbe "Sunbather". Beaucoup de productions venant de France donc, pays qui peut se targuer d'avoir une scène Extrême particulièrement intéressante ayant donné naissance à un metal que l'on pourrait presque qualifier d'"intellectuel". Psygnosis vient s'ajouter à cette scène fourmillante avec ce second long format, "Human Be[ing]", un album qui porte très justement son nom tant la composition fait écho aux multiples facettes de l'Être, torturé certes, mais humain avant tout.
Que l'on ne s'y trompe pas, "Human Be[ing]" est brutal, massif, destructeur. Le growl reste l'arme de prédilection de Yohan Oscar au chant, tirant sur les gruickeries porcines à la Benighted, et les rythmiques marteau-piqueurs sont monnaie courante tout au long de ces 65 minutes de déchirements soniques. Mais on l'a dit, le propos du groupe est dans la nuance, et il teinte sa musique d'une couche d'émotion et de mystère savamment agencée. Dès l'inaugurale 'Phrase 6', Psygnosis fait appel à une imagerie cinématographie avec l'aide de samples, de dialogues issus d'oeuvres du 7e art ou encore d'interviews télévisuelles. On pense notamment au très bon "Not For Want Of Trying" des anglais de Maybeshewill ou plus récemment au premier effort des parisiens de Lost In Kiev, "Motions", qui utilisaient ce même genre d'arrangements.
Deux groupes de post-rock donc, et c'est effectivement un autre aspect de "Human Be[ing]" : une approche résolument contemplative, utilisant la répétition ou jouant sur les ambiances pour installer un climat calme, tiède, doucereux, amenant le réconfort entre deux assauts de la presse hydraulique qu'est la section rythmique (avec une boîte à rythmes dans l'histoire, quand même). On retrouve l'idée de la facette de l'Homme face à ses doutes, ses interrogations.
Et pourtant, "Human Be[ing]" n'est pas un album néfaste, l'espoir et la lumière n'étant jamais complètement oblitérés. Tout au long de l'album, les riffs étincelants se succèdent, notamment sur 'Hurricane' en conclusion de l'album, indiquant que la liberté n'est pas un rêve, mais qu'elle doit être protégée avec toute son ardeur et sa hargne.
"Human Be[ing]" est un homoncule musical, miroir de la psyché humaine, sombre et changeant, dérangé même. Et en dépit de toute son agressivité, toute sa violence et sa démesure, il n'en demeure pas moins attirant et familier. Psygnosis signe donc une belle ode à l'Humain, étrangement moins compacte et dense qu'il n'y parait au premier abord.