Si son nom ne fait peut-être pas très sérieux, Violette n'est pourtant pas là pour se marrer, héritier de cette longue tradition helvétique du post hardcore. Un de plus, penserez-vous sans doute. Pas faux. L'écoute attentive de "A Taste Of Violette" vient toutefois très vite nuancer cette image.
Alors bien entendu, les Suisses dont il s'agit de la carte de visite, ne s'éloignent jamais (encore) trop du bord, empilant tous les codes du post metal, étiquette affreuse soit dit en passant qui ne veut strictement rien dire. Chant rageur qui explose en un geyser rocailleux, guitares tour à tour terrestres ou aériennes, architectures étirées balisent ainsi le menu comme autant de repères obligés et confortables.
S'il se contentait d'arpenter ce terrain déjà bien lessivé, cela suffirait déjà à combler l'amateur tant Violette fait preuve d'une grande maîtrise dans ce genre très codifié. A ce socle minéral et sévère, le groupe a pourtant l'intelligence d'injecter de multiples touches plus personnelles qui en augmentent la valeur ajoutée. Le résultat est une œuvre nuancée et extrêmement dense, qu'irrigue une belle écriture.
Chaque titre est une aventure à lui tout seul, route sinueuse dont on sent rapidement qu'elle peut à tout moment se transformer, bifurquer pour nous surprendre et nous prendre au piège. Le chant est révélateur de ce caractère pluriel, bourru et énervé le plus souvent mais sachant s'adoucir voire se faire presque délicat par moment ('Verso Of My Life').
Précédé par un court prologue instrumental, 'The Great Oblivion' synthétise parfaitement l'identité déjà affirmée du groupe, dérive pesante aux multiples strates dont le socle rugueux sert de plateforme à une échappée aux couleurs noires et douces-amères à la fois.
Si le chant occupe une bonne part de l'espace, les guitares ne sont pas en reste, pinceau tissant une toile lourdement mélancolique, témoin le terminal et fulgurant "Harrowing" que la six-cordes entraîne vers une fin belle à en pleurer, achevant un parcours semé de breaks.
Emotionnelle, la musique des Suisses n'est pas avare en technicité comme l'illustre un titre tel que "Sunny Avenue" aux envolées quasi progressives dont les atours soyeux sont peu à peu balayés par un ton qui se durcit, ce que souligne l'apparition d'un chant vindicatif.
Masterisé par le gourou Jens Bogren, qu'on ne vous fera pas l'affront de présenter, "A Taste Of Violette" ne saurait susciter la moindre petite réserve tant le travail abattu s'avère colossal. On sent à son écoute qu'il est le fruit d'une longue maturation. On a connu des premiers jets plus maladroits... Violette est un nom avec lequel il faudra compter.