Qu'évoque pour vous le nom Paganini ? Ceux qui étaient au dernier rang répondront sans entrave : 'Un sandwich chaud qui brûle les mains'', voire ''un éditeur de vignettes footballistiques' tandis que l'avant garde rappellera le génie du plus grand violoniste ayant un jour foulé notre terre. En fait, ce Paganini n'est en fait qu'un patronyme musical partagé par Marcelo Paganini, dont il est question ici. Ce dernier ferait démentir son origine musicale en se plaisant à conjuguer diverses activités, allant de journaliste (correspondant à Paris du journal brésilien 'Cometa itabirano'), au poète en passant par acteur, producteur, réalisateur, footballeur, pionnier de la musique électronique au Brésil, membre du légendaire groupe Tribo de Solos, accompagnateur sur scène de Tiberio Nascimento, etc... Son CV ferait rougir d'envie son homonyme ancestral.
''2012 Space Traffic Jam'', au titre évoquant un film fameux de Stanley Kubrick, se présente comme l'accomplissement d'un projet cher au guitariste franco-brésilien, dont la première esquisse remonterait à...1979 ! Si la pochette se place plutôt du côté de la Série B en nous présentant un spectacle de soucoupes volantes, pour ce qui est de l'équipage musical, nous nous plaçons définitivement à un très haut niveau. Marcelo Paganini a réuni autour de lui une poignée de vétérans d'origine jazz prog avec à la batterie, Gary Husband (ayant travaillé avec Allan Holdsworth, Jack Bruce, Level 42), aux claviers, Eumir Deodato (Kool and the Gang, Björk, Christophe, Berry) et Tony Kaye (Yes, David Bowie, John Wetton, Circa, Murray Head), Billy Sherwood (Yes) et Marc Madoré se partageant la basse.
Avec un casting prestigieux, l'album se présente comme un énorme gâteau qu'il n'est pas facile d'ingurgiter en trois bouchées. Commençons par son sommet avec le fruit du cerisier, la bien nommée, invitant à un débat post-moderne, 'Can't autograph your MP3' avec son début tonitruant, sa guitare tranchante dans ses soli qui semble découper des portions de séquences musicales énergiques, rembourrée par les nappages de synthétiseurs de Eumir Deodato. 'Somewhere somehow' est également enrobée de synthétiseurs joyeux ou démoniaques joués par Tony Kaye introduits sur un duvet de percussions avec de délicats éclats de guitare.
La voix mielleuse du chanteur (avec un accent anglais assez prononcé) apporte une touche sensible sur certaines chansons, comme la ballade nocturne 'Last Bart to San Bruno' (et sa guitare de sorcier qui semble tergiverser avant de retrouver sa voie), 'B4ever now', qui ressemble à la ballade qu'un psychopathe nous chuchoterait dans le cou ('There is no after/There is no before/There is only now and we are here'), et qui pourrait être le tube de l'été.
Cependant, si la présentation ne trahit pas la dégustation, on pourrait toutefois reprocher à l'enrobage d'être parfois trop crémeux notamment sur 'Actor' ou 'Lost secrets' dans lequel le hard rock semble crucifié par la production.
Passant tantôt de la lourdeur (batterie, guitare) à la légèreté (guitare) comme sur 'Sphynxes of Babel', qui complexifie l'énigme initiale, l'ensemble des morceaux se goûtera donc comme un hors d'oeuvre spatial, extra-terrestre, dont l'osmose s'effectuera pour certains à des années lumière de la première écoute, mais qui pourrait avoir un effet immédiat contagieux devant tant de technicité et de recherche mélodique.