Une livraison de Scpeticflesh est toujours une bénédiction sombre et inquiétante. Le groupe navigue au gré de ses humeurs entre death, doom, gothic ou envolées symphoniques et chœurs grandiloquents, laissant la pleine liberté à son imagination musicale, sans jamais se laisser contraindre par des barrières qui voudraient cloisonner la musique.
Inclassable donc est l'entité Septicflesh, troublantes sont aussi les thématiques abordées, mais leurs productions sont toujours de qualité. Avec cette nouvelle livraison ("Titan"), les Grecs nous offrent leur huitième opus baigné de mystère, de brume et d'occultisme.
Leur musique s'appuie toujours sur une base death carrée et plombée dont les architectures mégalithiques sonores donnent le vertige et nous jettent dans un abîme de puissance et une fournaise infernale. Aux côtés de cette fusion sonore, s'ajoutent des éléments symphoniques, des chœurs plein d'emphase et des discours démultipliés d'instruments classiques. Ceci est toutefois bien loin d’un enrobage symphonique caricatural car le groupe choisit un lyrisme noir et sombre comme la mort, qui fait partie intégrante de son identité vibratoire. Cette identité à part magnifie les puissances cachées, l’occulte, l’interdit et les âmes damnées : un côté sombre, comme le prolongement d'une mouvance romantique classique des œuvres de Stravinsky...
Septicflesh se lance dans cette galette par une petite introduction symphonique qui assoit les bases de son style, puis la guitare grondante pointe le bout de son nez, alors que la batterie bastonne et que la voix vocifère comme une diablesse. Dès les premières secondes c'est une guerre qui déboule dans nos oreilles, une guerre entre enfer et paradis... On retrouve immédiatement sur 'War In Heaven' le style des Grecs, le groupe dispensant dans cette purée sonore des blasts ravageurs ou des passages symphoniques dignes de Dvorjak, Wagner ou Carl Orff. Septicflesh a mis les petits plats dans les grands, invitant des sopranos et un orchestre philarmonique pour appuyer sa musique, la noirceur et la terreur provenant bizarrement plus des interventions symphoniques que de la base death. La suite du voyage confirme cette orientation hyper-symphonique, et même si le second titre 'Burn' semble mettre de côté cet habillage classique, ce dernier fait à nouveau son apparition après quelques minutes de rage, quand les cordes dispensent une mélodie poignante.
La guitare est la maîtresse des lieux, drapée d'obscurité. Tout mène à elle. Par son entremise, Septicflesh tisse une toile sonore effrayante, très sombre et crasseuse où les guitares rugissent ('Dogma', 'Prototype'), tissant un piège gluant qui emprisonne nos cauchemars les plus intimes, puis nous les fait revivre en boucle à l'infini. Quant à la voix, elle gronde comme un ours mal léché. Néanmoins, au sein de cette rivière sanguinolente coulent comme par magie des mélodies innombrables, en contrepoint aux grondements infernaux éructés par des cordes vocales inhumaines, qui adoucissent le propos pour le rendre suave et presque… doux comme une petite musique de nuit. "Titan" est aussi très carré, très direct comme une pulsation primale et finalement raide comme un bonne vieille trique.
"Titan" est un classique du groupe, un album de grande qualité qui brise les frontières entre les genres et les gens, comme peut-être l'avait voulu Elend en son temps. C’est aussi une œuvre dérangeante, sombre, bourrée d'occultisme, qui porte en elle une cohérence ahurissante... un choc de titans donc.