Les meilleurs side-projects sont souvent ceux qui parviennent justement à faire oublier ce qu'ils sont au départ pour devenir de vrais groupes à part entière. Audrey Horne est de ceux-ci, ayant réussi en quelques années et trois albums à occulter le fait d'avoir été perçu à ses débuts comme le terrain de jeu d'une poignée de mercenaires de la scène black metal norvégienne désireux d'épancher leur soif de hard rock classieux vintage. Si l'aura et le succès des formations dont sont alors issus ses membres (Enslaved pour Ice Dale ou Gorgoroth pour son bassiste historique TC King) lui a sans doute été profitable, attirant à lui une exposition dont il n'aurait peut-être pas autant bénéficié sinon, ces lointaines racines ont finalement été très vite balayées pour imposer ce qui est désormais devenu un des fleurons du genre, rock à l'ancienne néanmoins moderne.
C'est d'ailleurs là qu'Audrey Horne se distingue de tout ce revival seventies dont il est à la fois proche, car se nourrissant des mêmes influences (Purple, Zeppelin...) sans pour autant donner l'impression d'être une relique préhistorique déterrée il y a peu. Sans être gonflé à la testostérone, le son est clair et puissant. Surtout, si l'on relève la présence de claviers que n'aurait pas renié Jon Lord ('Show And Tell'), les lignes vocales de Toschie n'ont absolument rien à voir avec les standards du Stoner Rock, chant mélodique plus proche de Chris Cornell (Soundgarden) que d'Ozzy Osbourne. Bref autant de caractères qui font encore une fois tout l'éclat de "Youngblood", quatrième offrande aussi imparable que ses déjà glorieuses devancières.
Les premières écoutes sont pourtant presque décevantes. Comparé à l'opus éponyme, cette nouvelle cuvée semble de prime abord plus directe et nerveuse, plus simple également mais au final moins marquante. Le tout apparait preque banal, sans surprises. A tort. Forcément.
Ces préliminaires effectués, la force de ce menu ramassé (43 minutes au garrot) finit peu à peu par émerger. On se rend alors compte à quelle maîtrise des arrangements, d'une discrète élégance, à quelle science de la composition, pleine d'une finesse émotionnelle, sont parvenus les Norvégiens. Même un titre tel que 'Redemption Blues', transcende son rôle d'amorce efficace obligée car rompant la linéarité auquel son statut le prédestinait.
Tous les morceaux sont de purs joyaux d'écriture, émaillés de mélodies racées dont on sent qu'ils ont été fignolés jusque dans les moindre détails. Avec une classe folle et un brio insolent, l'album enchaîne les orgasmes. Certains sont immédiats à l'image de 'Straight Into Your Grave' et son tempo entrainant mais préfèrent le plus souvent la saillie anguleuse, lente et misant davantage sur les ambiances. 'The King Is Dead' et plus encore 'The Open Sea' illustrent cette propension.
Aucun temps mort ni baisse de régime viennent grever l'excellente tenue de "Youngblood" dont on pourrait citer (presque) toutes les pistes tant elles recèlent toutes des trésors nichés au fond de leur intimité humide, du "whitesnakien" 'There Goes A Lady' au majestueux 'Cards With The Devil', drapé dans des nappes de claviers aux couleurs progressives et seventies.
Avec intelligence, les musiciens coulent leur talent respectif dans un ensemble harmonieux, remisant au vestiaire les égos de chacun. C'était déjà vrai sur "Audrey Horne", c'est encore plus évident cette fois-ci, expliquant aussi peut-être la (relative) déception initiale face à un album d'où ne ressort d'abord que le chant, effectivement superbe, de Toschie, au détriment de ses compères de jeu. Discrets mais essentiels, ces derniers abattent en réalité un travail formidable dont la richesse et la puissance ne se découvrent que peu à peu.
Que rajouter d'autres sinon que cet opus est encore un brillant exercice de style, démontrant que ses auteurs mériteraient bien davantage de succès sinon de reconnaissance, qu'ils n'en rencontreront sans doute jamais.