En 2008, Hew Montgomery et Hugh Carter ressuscitent Abel Ganz, groupe écossais de néo-prog fondé en 1980 et dont la carrière s'était interrompue en 1994. Il aura fallu attendre six ans supplémentaires pour que le combo donne un successeur à "Shooting Albatross", intitulé tout simplement "Abel Ganz" comme s'il s'agissait d'une résurrection. Entre-temps, Hew Montgomery et Hugh Carter sont partis vers d'autres horizons, sans pour autant se garder de donner leur bénédiction au projet. C'est donc un groupe ne comprenant plus aucun membre d'origine qui produit le sixième album studio de sa discographie.
Ce court rappel historique explique en partie le virage musical pris par le groupe, déjà entamé sur l'album précédent et radicalement réalisé sur celui-ci. Car, si le néo prog n'est pas tout à fait absent de ce disque, ce n'est certes pas à ce style musical qu'on affilierait spontanément "Abel Ganz" au fil de l'écoute. A vrai dire, il est même difficile de l'associer à un style musical unique, tant le groupe puise dans des répertoires fort différents.
Alors certes néo prog il y a du haut des quatorze minutes de bravoure d''Unconditional', un titre décliné en cinq parties revisitant l'histoire du progressif à travers les âges (70's, 80's, contemporain, teinté de jazz-rock). Pas désagréable, mais cette succession de petits thèmes qui n'ont rien en commun pour en faire un titre long s'avère relativement artificielle.
L'autre suite, 'Obsolescence', dont les cinq parties sont déclinées en cinq titres distincts, se révèle pourtant bien plus cohérente, les détours que fait le morceau par le folk et la country semblant naturels. Très acoustique, comme la majeure partie de cet album, on y entend de très beaux passages de guitare et de flûte, et des harmonies vocales dont la douceur fait penser à America.
On retrouve de la country sur 'Thank You' qui ne déparerait pas un album des Eagles, l'accordéon en sus. Point d'accordéon, mais des cordes sur 'Delusions Of Grandeur' et des cuivres pour 'The Drowning', les titres qui ouvrent et ferment l'album mais qui partagent le côté mi-époque victorienne, mi-film noir des années 50. Les cuivres toujours pour une atmosphère mexicaine sur 'Recuerdos' et son ostinato de grillons alors que l'ambiance est plutôt asiatique sur le mélancolique 'Heartland'. Enfin, pour compléter le tout, trois titres instrumentaux : 'End Of Rain', atmosphérique un peu répétitif, et les jumeaux 'Spring' et 'A Portion Of Noodles', deux titres interprétés à la seule guitare acoustique, pas désagréables mais ressemblant à ces morceaux d'étude de conservatoire dont l'intérêt est limité aux apprentis guitaristes.
Malgré d'indéniables qualités, les morceaux ayant tous une couleur propre grâce à la palette des instruments utilisés, on ne peut s'empêcher de trouver l'album un peu décousu (en dehors de la rémanence acoustique) et de penser qu'il aurait gagné à être plus court afin d'éviter quelques longueurs. Néanmoins et en dépit des nombreux styles abordés, il conserve une certaine cohérence par la douceur mélancolique et l'atmosphère passéiste qui s'en dégage. Un album avec des hauts et des bas mais dont la musique s'écoute agréablement à défaut d'être novatrice.