Même si cela ne s'est pas répercuté sur les ventes du groupe, la qualité artistique de Coldplay était sur une pente savonneuse depuis "X&Y", la faute à une démarche commerciale évidente. "Viva La Vida" avait pu faire encore illusion malgré le pompage honteux du titre éponyme sur le 'If I Could Fly' de Joe Satriani, mais "Mylo Xyloto" avait confirmé le dérapage, en particulier le duo avec Rihanna sur 'Princess Of China'. Autant dire que le quatuor britannique semblait perdu pour la cause et définitivement vendu aux sirènes du mercantilisme. Pourtant, le destin frappe parfois et la douleur de la perte de l'être aimé est souvent la meilleure source d'inspiration pour de nombreux artistes. Si elle a fait beaucoup de bruit dans les médias, la séparation de Chris Martin et de Gwyneth Paltrow a laissé le leader de Coldplay dans un état dépressif et propice à l'écriture de ce nouvel opus intitulé "Ghost Stories" qui voit le groupe engager un retour aux sources rédempteur.
Délaissant la grandiloquence de ses deux prédécesseurs, le nouvel opus fait à nouveau preuve d'une authenticité hantée ici par le désarroi amoureux qui envahit la plupart des paroles et des ambiances. 'Always In My Head' nous introduit directement dans cette ambiance feutrée et aérienne dont le minimalisme instrumental se marie dans un bel équilibre avec une production hyper travaillée symbolisée par quelques chœurs diaphanes. Il est vrai que 'Midnight', titre dévoilé en avant-première, avait déjà préparé le terrain, à la fois surprenant et envoûtant avec sa voix trafiquée au vocoder émergeant d'une ambiance mystérieuse à la fragilité digne de Bon Ivers, alors que de nouveaux éléments apparaissent les uns après les autres par petites touches pour garder notre attention captive. Cette délicate mélancolie atteint son paroxysme sur 'Ocean'. Guidés par une guitare sèche et de légères touches électroniques, nous traversons de longues plages synthétiques en compagnie d'un Chris Martin dont la voix s'envole vers les aigus pour laisser s'écouler sa fragilité. Le tout vient se poser sur un final vaporeux qui n'est pas sans rappeler l'œuvre des Islandais de Sigur Ros.
L'époque de "Parachutes" n'est pas loin et elle se retrouve également sur un 'O' plein de sensibilité s'appuyant avec simplicité sur une mélodie de piano. Alliant douceur et sérénité avant un final aérien redémarrant après quelques secondes de silence, ce titre semble apporter la résilience au leader de Coldplay. Dommage que ce titre fasse suite à la seule faute de goût de l'album: 'A Sky Full Of Stars'. Produit par le DJ suédois, Avicii, ce titre dance/r'n'b déroute et dénature complètement l'ambiance vaporeuse installée depuis le début. Dommage car nous n'étions pas loin du grand album attendu depuis plusieurs années. Les Anglais avaient portant parfaitement réussi à ne pas sombrer dans la redite et la monotonie, glissant une basse sinueuse et une batterie hypnotisante sur 'Magic', recherchant de nouveaux sons en mêlant une musique entrainante à des paroles désespérées sur 'Ink', laissant la guitare étaler une plainte déchirante sur 'True Love', ou glissant quelques chœurs angéliques sur 'Another's Arms'.
En laissant parler son âme, Chris Martin permet à Coldplay de retrouver la lumière, ce qui est assez paradoxal si l'on se réfère à l'ambiance embrumée à travers laquelle "Ghost Stories" nous fait voyager. Mais c'est bien ce voyage qui donne toute sa valeur à cet album alors que les britanniques nous avaient laissés sur le bord de la route depuis deux opus. Si nous n'en sommes pas à souhaiter que d'autres malheurs viennent inspirer le frontman et leader du groupe, l'espoir de voir Coldplay maintenir ce cap n'en est pas moindre. Alliant avec réussite un retour aux sources et des recherches d'évolutions à la fois dans les sons et les structures, cette démarche fait preuve d'une authenticité que nous pensions perdue à jamais. Il ne reste plus qu'à éviter une rechute que l'avant-dernier titre peut laisser craindre.
NB: A noter que l'édition deluxe renferme 3 titres supplémentaires dont la qualité aurait méritée qu'ils étoffent la tracklist originale.