S'il n'en a jamais été la tête pensante, il n'en demeure pas moins que la participation de Neige en tant que chanteur le temps de deux albums (".neon" puis "Agape" un an plus tard) a permis à Lantlôs de franchir un palier et d'atteindre une forme de maturité, son identité sonore un peu brouillonne sur le premier opus éponyme s'affirmant alors dans sa belle et puissante démesure. Son départ l'an dernier fut à la fois une mauvaise et une bonne nouvelle.
Mauvaise tout d'abord car il prive de son talent vocal Herbst, le maître des lieux dont il était en quelque sorte le (faux) frère jumeau. Mais néanmoins bonne également en cela que le projet devrait gagner en personnalité, la voix reconnaissable entre mille du Français ayant eu tendance à trop le rapprocher d'Alcest, le principal port d'attache du chanteur. "Melting Sun en constitue l'éclatante démonstration.
Cependant l'absence de Neige derrière le micro ne signifie pas pour autant un retour un arrière vers le Black Metal des débuts. De ces racines noires, ne subsistent qu'une poignée d'oripeaux : lignes de guitares lourdes et polluées, ambiances douloureusement désespérées... Au contraire, Lantlôs poursuit son évolution, larguant toujours davantage les amarres du metal extrême pour accoster des terres plus atmosphériques ce dont, étonnamment ou pas, on ne se plaindra pas. Louchant autrefois vers le Shoegaze, la musique de l'Allemand empreinte désormais un chemin un peu différent bien que complémentaire, celui d'un Post-Rock à la froideur cristalline.
En résulte cette quatrième offrande à la grâce épurée dont la simple numérotation servant à distinguer ses six plages, lui confère des allures de tout indivisible, unique piste longue de quarante minutes qu'il faut aborder comme telle et non par petites miettes, voyage lumineux d'une puissance intimiste. Bien que secondé par le guitariste Cedric Holler et le batteur Felix Wylezik, Herbst impose sa marque à cette trame tour à tour heavy et duveteuse. Son chant clair, toujours émotionnel, se révèle le fil d'Ariane de cette déambulation rêveuse.
Plus l'écoute avance plus les atmosphères semblent perdre en texture. De fait, "Melting Sun" épouse la courbe diaphane d'un decrescendo. Ses premiers titres ne sont donc pas seulement les plus durs (tout est relatif), ils sont aussi les plus tangibles, arrimés à la terre ferme que symbolisent des guitares au lourd fuselage. Puis tout doucement, comme un ressac tranquille, l'oeuvre coule vers l'inconnu, s'élève vers les cieux, quand bien même des aplats pesants demeurent ('IV').
Jamais ennuyeux, "Melting Sun" s'appuie sur une écriture parfaitement ciselée, illustrant à quelle maîtrise est parvenue le multi-instrumentiste aujourd'hui. Cela pourrait être désincarné, un charme magique perle pourtant de cet album d'une belle épure qui progresse avec intelligence jusqu'à sa respiration finale. Lantlôs signe un grand disque, subtilement différent de ses aînés, ramassé et cohérent au ton toujours juste et dont les traits aériens l'éloignent encore un peu plus du Metal pur et dur. Ce n'est pas grave...