Druckfarben aurait pu être de ces groupes qui refont vivre le glorieux passé en s’incarnant dans le répertoire de grandes formations du prog. Si le quintet de Toronto a emprunté cette voie au début de sa carrière c’est pour mieux rendre hommage à cette musique qui l’a fait vibrer tout en étant un apprentissage exigeant du travail de groupe. Grand bien a pris le quintet d’oser le saut dans la composition avec un premier album éponyme confirmant les choix des canadiens. Avec cette belle pochette rappelant celle de "Fragile" du grand Yes "Second Sound" est l’occasion de répondre à certaines interrogations quant à la capacité du groupe à exceller au-delà de son premier essai.
"Second Sound" reprend les fondamentaux de "Druckfarben" avec ce rock progressif très varié et richement doté en termes de technique et de mélodie. L’assurance acquise par la formation tout au long de ces années s’exprime ici par une audace accrue dans l’exigence de finition et la splendeur des textures vocales (‘Another Day’ par exemple). Les morceaux sont en moyenne plus longs que dans le précédent disque et offrent des développements encore plus progressifs tout en assurant la parfaite fluidité des parties. Du très bel ouvrage pour la totalité des huit titres et une insolence à composer dans la complexité sans empêcher la rapide immersion dans le corps des morceaux. Ce savant dosage assure la fraicheur des nombreuses écoutes répétées, toujours révélatrices de détails et d’intelligence de composition.
Avec ses sept premiers titres ce "Second Sound" a déjà remporté une adhésion franche et indiscutable. Mais c’était sans compter avec les ambitions débridées des canadiens qui s’offrent l’outrecuidance d’un final épique venant mettre tout le monde d’accord. ‘Second Sound’ s’introduit et son conclut sur un mode qu’affectionne Druckfarben avec une forte empreinte jazz-rock (presque dregsienne) portée par un violon autoritaire. De nombreuses parties dans ce monument jubilatoire qui possède des points communs avec l’approche de Spock’s Beard. D’abord la lente montée qui trouvera son paroxysme sur un refrain solaire puis une incursion plus folk pour aboutir sur un passage de pop britannique. Le liant de ces parties puise autant dans le calme lyrique, transmis notamment par la guitare d’Ed Bernhard, que la joute instrumentale parfaitement emmenée par la maîtrise époustouflante des musiciens.
Avec ce disque Druckfarben reste très marqué par le rock progressif des années 70, mais comment ne pas être influencé par cette époque où tout ou presque à été tenté. "Second Sound" est un disque qui montre un groupe plein d’engagement sur ses propres capacités à donner une interprétation moderne de ses influences. Si les canadiens poursuivent leur ascension avec la même qualité tout en ajoutant un soupçon d’identité alors le prochain disque risque fort d’être incontournable.