D'une certaine manière, "Behold The Darkness" n'a qu'un seul défaut, celui de démarrer trop fort, grâce à ses trois meilleurs titres (sur lesquels nous reviendrons), promesse velue d'une gigantesque claque dans la tronche qui au final n'arrive jamais vraiment. La faute à ces touches empruntées au mélo death qui, si elles se révèlent bougrement efficaces ('Black Fire'), contribuent surtout à vider ce qui s'annonçait comme un bloc trapu de stoner doom façon High On Fire d'une bonne part de sa sauvagerie granitique.
Or justement, ce qui fait la réussite de cette première partie du feu de dieu réside avant tout dans son propos plombé que ne vient jamais parasiter des kystes mélodiques. C'est heavy certes mais dans le bon sens du terme, couillu et minéral. Même les arpèges qui animent la très belle introduction 'Rise From The Ashes', vibrent d'une déchirante noirceur là où ils auraient pu sonner avec mièvrerie.
L'enchaînement avec le puissant 'Starting To Heal' procure des frissons, saillie où se mêlent des vocalises d'ours mal léché et une envolée de six-cordes flamboyante. On sent déjà poindre cette influence (trop) lisse mais l'ensemble fonctionne. Et quand survient l'immense 'Beneath The Shrine', l'orgasme se rapproche, explosant lors d'un pont instrumental lui aussi tout en arpèges squelettiques, prélude à une éruption de notes belles à en pleurer.
Dommage que les Grecs, dont il s'agit de la seconde enclume longue durée, ne parviennent pas tout à fait à conserver cette force brutale. Si certains titres sont prisonniers d'une épaisse couche de mazout, à l'image du bien nommé 'Mountain Of Doom', 'March Of The Underworld' ou bien encore 'Torches Of Freedom' qui ne dépareilleraient pas sur un disque de Stoner doom américain, d'autres, bien qu'extrêmement pesants, se diluent dans ce sirop mélodique qui leur rogne les griffes. Citons par exemple 'Martyrs' pourtant bien couillu ou 'Cleansing' sur lequel plane presque l'ombre d'In Flames, en plus massif toutefois.
Bref, ce mélange des genres, croisement entre le Heavy Doom US et le death mélo, s'il nourrit la personnalité de Speedblow, l'empêche aussi d'être aussi méchant que ce qu'on aurait souhaité. Le groupe n'a pourtant aucune leçon à recevoir de personne en matière de riffs coulés dans le plomb, édifiant dans ses meilleurs moments, une montagne colossale d'énergie ramassée et tendue.
"Behold The Darkness" a quelque chose d'un golem aux pieds d'argile d'une puissance tannée. Reste que, en dépit de ces (relatives) réserves, Speedblow accouche d'un opus robuste d'une force explosive, trop mélodique peut-être mais grondant d'une fureur granitique.