Pour ce troisième album de Gens de la Lune, Francis Décamps réalise un rêve, celui de rendre hommage à Léon Deubel, écrivain belfortain considéré comme le dernier des poètes maudits. Cette création ambitieuse nous arrive sous la forme d'un digipack grand format s'ouvrant sur deux CDs et un livret de 23 pages où figure l'intégralité des textes fort joliment illustrés.
Toujours au nombre de cinq, nos Gens de la Lune ont eu à faire face au départ de leur excellent bassiste Farid Boubrit, mais ils lui ont rapidement trouvé un remplaçant à la hauteur en la personne de Mathieu Desbarats qui se trouve être un élève de Farid ! C'est donc une équipe rodée qui s'est attelée à l'enregistrement des douze compositions de cette "Epitaphe".
Le premier titre, "Brillant embryon", est une vision poétique de la naissance de Léon Deubel, depuis les sensations intra-utérines jusqu'à l'éblouissement de la délivrance. Musicalement, le ton est donné. Francis a composé dans le symphonique, le somptueux, et ses acolytes rivalisent d'habileté pour l'interpréter. L'ambiance a des résonances familières, quelque part entre le GdlL des albums précédents, Ange de la grande époque et le Francis Décamps de "Histoire de fou".
Les textes mêlent des extraits de poèmes et de courrier de Deubel aux écrits de Francis dont la plume n'a pas son pareil pour aligner des mots rares ou étranges en phrases oniriques. Toutes ces paroles sont principalement chantées, récitées ou déclamées par la voix chaude et puissante de Jean-Philippe Suzan , mais aussi par Francis dans un registre gouailleur. Ce même Francis qui nous régale de mélodies somptueuses aux sonorités nombreuses, tel un maître des claviers touché par quelque inspiration divine.
Damien Chopard semble plus impliqué que par le passé, son jeu de guitare, toujours excellent, est souvent enrichi de soli de haute volée et de belle longueur, et il signe même la musique de "Cueillir les secrets de l'Aube". Quant à la section rythmique, elle est constituée de Mathieu (basse), le petit nouveau dont le professeur n'a pas à rougir et de Cédric Mells (batterie) à qui la maturité sied bien, car sa frappe a gagné en expressivité tant dans la douceur que dans la puissance.
"Epitaphe" est ce que Gens de la Lune a fait de mieux à ce jour. C'est une oeuvre symphonique, riche en mélodies et en textes bien tournés. Propice à la représentation publique, elle dégage déjà toute sa force et sa consistance dans cette magnifique version studio.