Il est étonnant de voir comment le doom et la musique progressive, au moins dans sa définition psychédélique, deux genres à l'origine totalement opposés l'un de l'autre, se sont rapprochés ces dernières années, mettant à jour des connections insoupçonnées et pourtant évidentes : Magma invité en 2014 au Roadburn, revival du rock psyché, sans oublier les nombreux et appuyés hommage à la kosmische musik des années 70 qu'offrent des artisans du gros riff que cette fameuse école de Berlin qui a vu naître Klaus Schulze ou Tangerine Dream a donc particulièrement influencé. Kimi Kärki est l'un d'entre eux.
Cela est-il pour autant si surprenant de la part de l'ancien guitariste de Reverend Bizarre ? Ses travaux sous la bannière de Orne prouve que non, quand bien même ce sont deux facettes du rock progressif que le Finlandais explore avec ce dernier et ce E-Musikgruppe Lux Ohr qui nous intéresse ici. Comme son nom le laisse aisément deviner, celui-ci tente de restaurer, non sans réussite, cette musique électronique allemande si féconde là où son aîné s'abreuve au pur rock progressif. Avec ses comparses, Pertti Grönholm, Jaakko Penttinen (les deux principaux compositeurs) et Ismo Virta, l'actuel Lord Vicar fait un saut dans le temps de quarante ans en arrière retrouvant cette patine spatiale, ce feeling froidement cosmique et unique.
Après le "Live At Sibelius Museum" et le galop d'essai "Kometenbahn", "Spiralo" poursuit le voyage, exploration instrumentale pilotée par des synthétiseurs bourgeonnants. Naturellement élaboré pour le format vinyle (quoi d'autre ?), l'album, dont l'origine est une série d'improvisations auxquelles s'est livré sur scène le groupe entre 2011 et 2012, se déploie sur deux titres de 19 minutes, chacun remplissant une face du disque. Cette durée étirée fournit à ces pistes le cadre rêvé pour dilater leur trame en un tapis électronique infini.
Sa structure le permettant, plongeons-nous en détail dans cet opus dont les deux plages se subdivisent en trois parties chacune. Le premier segment épouse la forme d'une lente élévation tout d'abord hantée par une myriade de sons bizarres, signaux mystérieux venant du fin de l'espace. Hermétique et aride, la piste se pare peu à peu d'atours plus mélodiques tandis que les claviers à la tessiture variée étendent de longues nappes immobiles durant d'interminables minutes de plus en plus envoûtantes, pulsation paroxysmique d'une étrange beauté.
Quand à 'Spiralo 2', il suit un schéma quasi identique où les premières mesures presque lugubres sont progressivement avalées par des nappes hypnotiques aux confins d'une transe pulsative qui obsède. Tout doucement, de ce magma stellaire, s'élèvent des effluves bourdonnantes et répétitives qui finissent par emplir tout l'espace avant une conclusion qui meurt peu à peu en un fondu cotonneux.
Plus réussi encore que son prédécesseur, "Spiralo" est une superbe (re)lecture de musique cosmique, oeuvre planante d'une beauté hypnotique.