Imperturbablement, Mostly Autumn poursuit sa route en continuant de manière biennale la publication d'un nouvel album. 11ème du genre, Dressed in Voices est pourtant le premier centré autour d'un concept plutôt obscur, celui d'un homme décédant lors d'une agression suite à un dommage collatéral, et qui dans ses derniers instants où le temps semble s'être arrêté rembobine la vie de son meurtrier. Sans maîtriser tous les détails de l'histoire, la tonalité de la musique est en revanche bien en phase avec cet univers sombre, le travail aux claviers de Iain Jennings s'avérant particulièrement remarquable en ce sens.
L'album s'ouvre avec un premier titre très contrasté (Saturday Night), mettant tout de suite l'auditeur dans l'ambiance : un chorus instrumental à la rythmique "marillionesque" de toute beauté, subitement interrompu par une partie chantée plutôt minimaliste, avant que la belle (et désormais épouse du patron) Olivia Sparnenn ne vienne illuminer le refrain de sa voix enchanteresse, capable de déclencher une coulée de sueur dans le dos d'un pingouin ! Mélodie ravageuse, arrangements soignés, ruptures mélodiques et rythmiques, Mostly Autumn déroule son savoir-faire inimitable, laissant toutefois l'auditeur légèrement sur sa faim tant ce premier morceau aurait encore pu faire l'objet de développements supplémentaires. Mais Mostly Autumn évolue désormais loin de ses débuts celtico-floydiens, même s'il en reste quelques touches de ci de là, et l'heure est désormais à la concision et à l'efficacité, dans un style pop progressif qu'il maîtrise à merveille.
Et les 12 (vraies) compositions de cette nouvelle production ne vont pas déroger à la règle : tout en restant dans des standards de durée radiophonique (ou presque), les chansons proposées explorent de manière quasi systématique plusieurs univers harmoniques et rythmiques, plusieurs ambiances tantôt légères, tantôt lourdes (Down by the River), les soli de guitare du patron ne faisant qu'ajouter une cerise sur un gâteau déjà bien garni, mais néanmoins particulièrement digeste. L'alternance des voix contribue également à cette richesse sonore, et l'on remarquera ici les progrès indéniables effectués par Bryan Josh, soutenues magistralement par les claviers de Iain Jennings qui déploie toute sa palette, mêlant sonorités vintage et nappes néo-symphoniques avec bonheur.
Titre emblématique de cette diversité, First Day at School synthétise à lui seul toute la maturité du groupe, entraînant l'auditeur dans de multiples émotions que des écoutes répétées parviendront systématiquement à renouveler. Dans le même esprit, le titre Dressed in Voices s'impose comme un quasi-hit radiophonique, sans toutefois succomber à la simplicité que ce format impose généralement. La puissance des chorus et des orchestrations confèrent à ce morceau un pouvoir d'envoûtement qui, malgré la volonté conceptuelle de l'album, fait que l'on succombera inévitablement à l'irrésistible envie de l'écouter en boucle. Seul petit bémol à signaler au milieu de ce concert de louanges, le faiblard The House on the Hill aux accents country qui manque clairement de punch et de développements pour tenir la comparaison notamment avec le titre suivant, The Last Day, qui débute pourtant de la même manière avant de proposer une deuxième partie dantesque.
Pour finir, il convient également de souligner le fait que le groupe semble (enfin !) avoir trouvé un batteur qui ne se contente pas seulement de battre la mesure, mais qui introduit quelques subtilités et changements de sonorités dans sa prestation ?
Progressif ? Pas progressif ? L'inévitable débat autour de Mostly Autumn et de son évolution depuis son entrée fracassante dans ce petit monde par la grâce de trois premiers albums incroyables risque une nouvelle fois de diviser aficionados et habituels détracteurs. Loin de ces considérations, force est de constater que Dressed in Voices est une galette solide, truffée de morceaux aux mélodies et arrangements imparables, délivrés par une formation sûre de sa maturité, à laquelle il manquerait peut-être juste un petit grain de folie pour en faire un classique d'ile déserte. Il n'en reste pas moins un album à ne surtout pas négliger dans la déjà longue discographie du groupe.
Un dernier mot pour signaler la présence d'un CD bonus de 9 titres délivrés sur une édition spéciale, dont le niveau global s'avère bien moindre, sorte de collection de faces B, dont on retiendra tout de même l'excellent Teardrop of Flame.