"Un univers touche-à-tout hétéroclite mais plutôt réjouissant à l'écoute". C'est par ces mots que "The Great Prophecy Of A Small Man", le précédent album de Modest Midget, était résumé dans les chroniques de Music Waves. Une phrase qui s'applique tout à fait à la nouvelle production du groupe, le mal nommé "Crysis".
Car, à l'instar de Supertramp, on est en droit de s'exclamer à l'écoute de cet album : "Crisis ? What Crisis ?" tant sa tonalité, loin d'être sombre, est au contraire légère et humoristique. Il est vrai qu'il n'est pas besoin d'être austère pour être sérieux et Modest Midget en fait une superbe démonstration. Certains titres, s'ils s'adonnent à une fantaisie débridée, n'en sont pas moins remarquablement exécutés avec un professionnalisme et une sincérité qui forcent le respect.
Une fois ce postulat affirmé, il n'en demeure pas moins vrai que "Crysis" a de quoi donner le tournis tant l'auditeur se trouve désorienté par les changements de style entre les différents titres et parfois à l'intérieur d'un même titre. 'The Grand Gate Opening' ouvre l'album de façon majestueuse et intrigante, avec des nappes d'orgue très Tangerine Dream, période "Rubycon". Il est immédiatement suivi par le pittoresque 'A Centurion's Itchy Belly' dont le titre dénote déjà l'esprit malicieux qui va guider la musique. Après de courts tâtonnements, le morceau part dans un sympathique délire tenant de la musique de cirque ou de film comique façon "Le Grand Blond". Dans la même veine, 'Flight of the Cockroach' au titre tout aussi évocateur illustrerait parfaitement un dessin animé ou une histoire sans parole. Il est vrai que Lonny Ziblat, le leader du groupe, a plusieurs musiques de film à son actif.
Toujours bon enfant, mais plus rock, 'Now That We're Here' utilisent de gentillets chants choraux façon Moody Blues ou Beach Boys. La bonne humeur qui se dégage de cette musique qui saute parfois du coq à l'âne ressuscite l'esprit facétieux d'un John Entwistle des grands jours. Moody Blues, Beach Boys, Entwistle… Même les moins férus d'histoire musicale auront compris que Modest Midget se complait dans le style 60's et 70's. La spontanéité, la fraicheur, l'autodérision sont en rendez-vous, ainsi qu'un grain de folie et un zeste d'impertinence.
Autre influence majeure s'il en est, les Beatles semblent avoir collaboré à l'écriture et l'interprétation de certains titres. 'Rocky Valleys of Dawn', un rock rapide à l'esprit rétro où l'on retrouve aussi un peu des Kinks, la délicate ballade 'Praise the Day' 'Periscope Down' dont la musique légère et entêtante rappelle l'insouciance de l'école de Canterbury et 'Secret Lies', un blues au lourd riff de guitare copié sur celui d'I Want You' sont autant de démonstrations de ce mimétisme.
Comme leur précédent album, "Crysis" est gorgé de petites trouvailles qui amuseront l'auditeur et le tiendront en haleine. Bien sûr, on pourra trouver que la très (trop ?) grande diversité et la fantaisie débridée qui caractérisent ce disque manquent parfois d'un peu de cohérence et d'émotion. Mais "Crysis" offre un rafraichissant voyage dans le temps qui laissera le sourire aux lèvres à tous ceux qui ne sont pas persuadés que la musique se doit d'être sérieuse.