Il fut une époque pendant laquelle le line-up de Motörhead comportait 2 guitaristes, le regretté Wurzel venant épauler Phil Campbell de 1986 à 1995 pour un résultat qui divise encore les fans. L'arrivée de Vinnie Salvatore aux côtés de l'indestructible Steve Theado n'est donc pas sans rappeler le rapprochement souvent fait par les critiques entre le gang de Lemmy Kilmister et le combo de Colombus (Ohio). Mais, comme depuis 14 ans qu'American Dog nous sert son Hard-Rock graisseux, velu et bluesy, ce n'est pas encore aujourd'hui que la bande de Michael Hannon va pouvoir être accusée de la moindre corruption. En effet, le désormais quatuor fait partie de ces rares formations qui ont réussi, à force de persévérance, à faire oublier leurs influences et à imposer leur propre style reconnaissable entre tous. Tels les hommes préhistoriques de la superbe pochette, œuvre de Frank Frazetta (Molly Hatchet, Nazareth), les 4 membres du groupe se précipitent sur nous avec sauvagerie.
Dès le bien nommé 'Carnivore', la bête mord dans la bidoche avec appétit et pour notre plus grand plaisir. Simple, efficace et avec un refrain accrocheur, American Dog nous balance son Hard hargneux et sans fioriture. En dehors d'un son plus ample mais toujours aussi épais dû à la présence de la deuxième guitare, la recette ne bouge pas mais elle est encore mieux maîtrisée et les titres s'enchaînent avec une redoutable efficacité. Nous retrouvons les boogies aux accents sudistes, rapides et entrainants ('Dirty Fun'), l'incontournable chanson festive, ode à l'ivresse ('We Ai'nt Gonna Not Get Drunk Tonight') et le traditionnel cover ici représenté par le 'Dog Eat Dog' de Ted Nugent. Quant au titre rapide, festif et pêchu aux accents punkisants, il s'agit ici d'un 'Stuck In The Mud' marqué par de nombreux soli et quelques harmonies de guitares inhabituelles mais que l'arrivée de Vinnie Salvatore devrait permettre de renouveler.
Mais n'allez pas croire qu'American Dog nous balance un album certes carré mais sans intérêt particulier par rapport à ses prédécesseurs. Car sans révolutionner son identité, le combo est capable d'apporter juste ce qu'il faut de nouveautés pour évoluer sans égarer ses fans en route. Parmi ces nouveaux points d'accroche, nous retiendrons le final mammouthesque d'un 'Who's She Killing' jusque là aussi classique qu'efficace, s'appuyant sur une batterie métronomique, une basse bien lourde, et zébré d'éclairs guitaristiques. Le titre éponyme se fait quant à lui heavy tout en étant propulsé par une batterie groovy s'enrichissant de nombreux bruitages à base de triangles et clochettes, alors que le refrain semble hurlé par une tribu en marche pour la guerre. Enfin, il est impossible de passer sous silence 2 titres dépassant de manière inhabituelle les 7 minutes. Si 'Devil Inside' n'est finalement qu'un classique mais excellent gros blues, lent et bien graisseux, venant conclure l'album, 'Sun Won't Shine' se révèle bigrement plus intéressant. Après environ 3 minutes d'un blues sombre étoffé de slide, il accélère d'un coup pour un boogie à la fois ZZTopien et hargneux, nous glisse une fausse fin avant de reprendre sur la seule batterie rejointe enfin par le reste du groupe sur le thème de départ.
L'air de rien, American Dog nous balance ce qui pourrait être son meilleur album avec cette étonnante capacité à évoluer sans presque rien changer. Si Michael Hannon et Steve Theado semblent faire partie de la caste des indestructibles, en particulier ce dernier qui a survécu à un grave accident de la route, leur groupe ressemble à ces fauves capables de survivre en milieu hostile tout en se révélant de redoutables prédateurs, à la fois inquiétants et fascinants. Avec "Neanderthal", ils nous servent l'album incontournable qui les installe définitivement aux côtés des leaders d'un Hard-Rock à consommer sans modération.